euse epigramme qu'elle m'a jetee jadis
au visage, devant ma bonne maitresse la reine-regente Anne d'Autriche:
"Il y a ici-bas tant de fous, dont les agreables folies sont gratuites,
que je ne comprends pas comment on trouve bon de payer les folies
maussades de Langeli." Adieu vous dis, Madame la marquise: vous vous
rappellerez que tout se paie ici, meme les folies des autres.
Langeli salua encore, d'un air goguenard, et s'enfuit en poussant des
eclats de rire. Le comte de Saint-Aignan etait indigne et fit mine de
donner un ordre pour mettre a la raison le fou du roi.
--Ce malotru semble se rejouir d'une mechancete qu'il aurait faite,
dit-il inquiet et preoccupe. En tout cas, Madame la marquise, il accuse
un sentiment de vengeance contre vous et contre votre mari defunt. Il
faudra debarrasser la cour de cette vermine.
La marquise de Sevigne, en se presentant chez la duchesse d'Orleans,
apprit, avec beaucoup de contrariete, que Madame etait allee chez le roi
et la reine, avec les deux enfants, que Langeli avait mis sous sa garde.
Le comte de Saint-Aignan ne s'expliquait comment ces enfants, qu'il
avait fait chercher si longtemps dans tous les coins du palais, avaient
ete retrouves par Langeli et conduits directement par lui chez Madame.
Il proposa donc a la marquise de Sevigne qui devait etre rassuree a
leur egard, de l'introduire aupres de Monsieur, frere du roi, dans
l'intention de degager sa promesse vis-a-vis du comte de Bussy, en le
tirant d'un mauvais pas.
Philippe de France, duc d'Orleans, la recut avec autant d'empressement
que de curiosite; il avait depuis longtemps le desir de connaitre la
femme distinguee, qui ecrivait ces incomparables lettres que les beaux
esprits de la cour regardaient comme des chefs-d'oeuvre. Apres les
compliments qu'il se plut a lui adresser, il se felicita de la voir
revenir a la cour, ou elle etait toujours presente, depuis douze ans,
par les sympathies et les admirations qu'elle y avait laissees, en se
retirant a Paris, avec ses enfants.
--Monseigneur, reprit-elle, je m'etais eloignee de la cour, a la suite
du plus grand malheur qui put arriver a une mere de famille, mais
aujourd'hui la mere de famille reparait avec un fils et une fille,
qu'elle a eleves dans son veuvage et qu'elle vient mettre sous la
protection de Sa Majeste et de l'auguste famille royale.
--Vous devez etre assuree de cette protection, repondit Monsieur, et
pour ma part, je me tiendrai tres heureux de vou
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