vant, un pauvre
enfant malade, une victime qui souffrait peut-etre cruellement a cette
heure-la meme, et qui devait souffrir ainsi en silence jusqu'a ce qu'on
lui eut permis de remuer, d'etendre ses membres comprimes et de respirer
a l'air libre.
Les sons de l'orgue, que Raisin touchait admirablement, produisaient
dans l'assemblee une profonde impression: c'etait un hymne religieux,
dans lequel l'executant imitait le chant gregorien de la chapelle du
pape, en l'entrecoupant par des choeurs de voix feminines. Le morceau
acheve, le musicien se leva et vint se replacer debout a cote de son
orgue. Apres quelques instants de silence et d'emotion, l'instrument,
qui etait devenu muet, reprit tout a coup la parole, et repeta sur un
mode plus lent et moins energique le morceau de musique religieuse,
que l'organiste venait de jouer avec une execution si puissante et si
habile. On eut dit qu'un echo, cache dans les profondeurs de cet orgue,
avait retenu fidelement les accords que l'organiste savait tirer des
tuyaux de son instrument. Tous les assistants, malgre la presence
du roi, ne purent se defendre de manifester leur etonnement et leur
admiration.
L'orgue ayant fait silence, le musicien se remit a son clavier et fit
entendre un air italien, compose de flutes et de hautbois dans le
genre tendre et langoureux. Puis, son execution terminee, le musicien
descendit de son estrade, pour montrer qu'il etait entierement etranger
a l'action mecanique de son orgue, qui executa seul, apres lui, le meme
air italien, avec plus de douceur encore et de melodie. L'organiste
renouvela trois fois de suite une experience analogue, et trois fois
l'orgue magique, sans subir aucun contact avec la main de l'homme,
rendit en echo un peu affaibli les divers morceaux executes par le
musicien.
Un dernier essai fut moins heureux. Raisin venait d'achever une cantate,
entremelee de symphonies brillantes, et il attendait, avec anxiete, que
l'orgue se mit a executer son solo magique; car il n'etait sorti de
l'orgue qu'un soupir qui ressemblait a un gemissement.
--Madame! dit Mademoiselle de Sevigne, en se penchant a l'oreille de la
duchesse d'Orleans, Madame! Il y a la-dedans un enfant qui se meurt!
La princesse avait compris, avait devine; elle se pencha, a son tour,
a l'oreille du roi, et lui fit remarquer la contenance effaree du
musicien, qui, pale, les yeux hagards, s'etait approche de son
instrument et avait l'air de s'y attacher avec les mai
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