te obstination invincible, qui peut avoir quelquefois de graves
et serieuses consequences dans la vie de l'homme, est, d'ordinaire,
intolerable chez les enfants, car elle encourage a l'effronterie et a
l'orgueil. Crebillon, neanmoins, n'etait pas deteste des jesuites,
ses instituteurs. Les Peres jesuites avaient le talent de deviner,
d'apprecier la valeur intellectuelle et morale de leurs eleves; ils
n'epargnaient aucun moyen de seduction pour enroler les plus distingues
dans leur Societe, que protegeaient alors la haute capacite et le merite
eclatant de ses membres. Crebillon avait donc fixe les yeux de ces
savants professeurs, par la facilite de son travail, la richesse de sa
memoire et les ressources de son intelligence; il etait devenu, presque
sans y penser, le plus instruit de sa classe, et ses succes, aussi
solides que brillants, faisaient couvrir d'un manteau d'indulgence
sa conduite legere et turbulente, ses eternels bavardages, ses tours
malicieux et son inflexible tenacite.
Outre la cloche du college, son ennemie irreconciliable, Crebillon avait
en aversion ceux qui la sonnaient, et ceux-la le payaient aussi de
retour.
C'etaient les deux correcteurs ou Peres fouetteurs, qui s'etaient rendus
dignes de cet emploi executif, par un long zele eprouve au service de la
Compagnie de Jesus, laquelle croyait utile d'appliquer a l'education
la severite des peines corporelles. Le Pere Griffon et le Pere Fremion
reunissaient, a cette penible charge, qui les mettait sans cesse en
fonctions, le poste de sonneurs qu'ils occupaient a tour de role. Leur
rigoureuse exactitude avait lieu de se manifester, tous les jours, dans
l'un et l'autre ministere. Ainsi ils ne retardaient pas d'une seconde
le chatiment que le regent ou maitre de classe avait decrete contre un
coupable, et les verges, dans leurs mains equitables, n'etaient ni des
armes d'injustice, ni des instruments de vengeance, excepte cependant
lorsque c'etait Crebillon qu'on livrait a leur bras seculier: alors leur
ressentiment personnel faisait d'un devoir un plaisir, et les coups
tombaient dru, sans que la victime daignat faire entendre une plainte.
Ils sonnaient la cloche a tour de bras, pour appeler les collegiens au
dortoir, au refectoire, a l'eglise et a la classe; mais ils avaient beau
se relayer tous les matins, pour venir tourmenter Crebillon, toujours
endormi ou immobile dans son lit, a l'heure du lever, celui-ci ne tenait
compte de leur avertissement, soit
|