fuite les loups. Il y avait, en effet, trois ou quatre loups, qui
suivaient la voiture et qui menacaient de s'attaquer au cheval, des
que le moment leur semblerait propice a cette agression. Le malheureux
cheval avait conscience du peril, qui devenait plus serieux a
chaque instant, mais Valentin etait pret a le conjurer. Il alluma
successivement plusieurs des boules de papier chiffonne, que le
colporteur avait preparees, et il les jetait l'une apres l'autre sous
les pieds du cheval pour tenir a distance les loups qui voulaient
s'elancer sur lui. Il semblait que le pauvre animal avait compris qu'on
lui venait en aide et que les projectiles enflammes n'avaient pas
d'autre objet que d'eloigner ces animaux feroces. Il hennissait de joie
et galopait de meilleur coeur, toutes les fois qu'une boule de feu
tracait dans l'air un sillon de lumiere et tombait, enflammee, a ses
pieds.
Les loups, en revanche, perdaient de leur audace et restaient en
arriere; ils ne renoncerent pourtant a suivre la carriole, que quand
elle fut sortie des bois et que la route se prolongea a decouvert dans
la plaine. Alors seulement le pere Lalure fut rassure, et il embrassa
cordialement l'enfant, qui l'avait sauve d'un danger presque inevitable,
avec tant de presence d'esprit et tant de courage.
--Ah! mon cher petit! lui dit-il sympathiquement, combien je regrette
de ne pouvoir te garder avec moi! Je te traiterais comme mon fils et tu
serais plus tard la consolation de ma vieillesse. Je te marierais, un
jour, a une bonne femme, qui te donnerait des enfants et qui nous ferait
une famille.
--Un savant n'est pas fait pour se marier, repondit l'enfant, qui avait
des idees aussi arretees et aussi muries que s'il eut atteint deja l'age
de la raison. Je ne veux pas d'autre famille que beaucoup, beaucoup,
beaucoup de livres.
Le voyage du colporteur et de son petit compagnon s'acheva de la maniere
la plus heureuse. Ce dernier avait rendu a son patron les plus grands
services, pour la vente des livres et des images qui faisaient le
commerce du pere Lalure. Cette vente avait ete si prospere, que le
colporteur voulut recompenser son jeune commis, en lui offrant une somme
de vingt-cinq ecus, comme temoignage de satisfaction. Valentin ne
les accepta que pour les envoyer a sa mere, et il demanda au brave
colporteur, en arrivant a Sainte-Anne, quelques volumes qui feraient le
fonds de sa premiere bibliotheque. Le pere Lalure se fit un plaisir de
lui en don
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