que les
indulgences, que vous gagnez chaque jour, en nous donnant le fouet
le plus consciencieusement du monde, vous consoleront en paradis.
N'avez-vous pas prononce un bel exorcisme? Oh! que j'eusse voulu etre la
pour venir en aide au Moine-bourru!
Le Pere Fremion, a voir l'air compatissant de Crebillon, eut la bonhomie
de croire que le malin garcon s'interessait a lui et ajoutait foi
a l'apparition du Moine-bourru; il lui sut gre, au fond, de cette
apparente bienveillance, et il se promit tout bas, de le menager, la
premiere fois que Crebillon meriterait la correction favorite des
jesuites; ensuite le bon Pere, faute de pouvoir s'exprimer avec la
parole, essaya de reproduire, par la pantomime la plus expressive, tout
ce qu'il avait eprouve de souffrances morales et physiques, sous la
possession du Moine-bourru. Crebillon, qui avait envie de lui rire au
nez, eut beaucoup a faire pour continuer son role d'auditeur benevole,
et pour garder son serieux, qui lui echappait, au souvenir de ce
Moine-bourru qui n'etait autre qu'un noeud coulant dans les mains d'un
ecolier.
Crebillon etait trop enchante du succes de sa comedie, pour ne pas
tenter de la renouveler une seconde et une troisieme fois, sans qu'elle
fut decouverte. Tout reussit au gre de ses esperances: le Pere Griffon
sonna encore la cloche privee de battant; le Pere Fremion eut encore le
poignet lie a la corde; les collegiens gagnerent encore, a ce manege,
quelques heures de bon sommeil et un sujet journalier de plaisanteries.
Mais ceux qui, ces jours-la, passerent sous les verges des Peres
correcteurs, se plaignirent d'etre traites en victimes expiatoires. Le
Pere Griffon surtout frappait plus fort que jamais, c'est-a-dire comme
un sourd.
Cependant le principal, qui n'etait ni superstitieux, ni credule,
n'attribuait point les incroyables aventures des sonneurs a la magie ou
a des causes surnaturelles, d'autant plus que rien ne paraissait
derange dans l'economie de la cloche, qui avait la voix aussi claire
qu'auparavant pour appeler le college a table, a l'etude, a la
recreation et au lit. Apres avoir impose de nouveaux jeunes et de
nouvelles penitences aux deux sonneurs, sans que ceux-ci fussent
parvenus a sonner la cloche du reveil; comme le Pere Fremion offrait
la demission de sa charge pour complaire au Moine-bourru, le principal
annonca qu'il irait lui-meme sonner le reveil, en depit des timides
remontrances de ses deux subordonnes qui croyaient ferm
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