urriture et le gite a cet enfant, qui serait charge de conduire
les dindons aux champs et de les garder du matin au soir. Le cure n'en
demanda pas davantage, et comme il etait bon et charitable, il pensa que
le fermier le serait aussi a l'egard d'un orphelin, qu'on lui confiait
en le priant d'en avoir soin.
Valentin aurait voulu que le cure lui laissat un livre, pour y etudier
ses lecons, mais le cure n'avait que son breviaire; cependant il trouva,
dans un coin, un Catechisme, a moitie dechire, que son enfant de choeur
y avait oublie, et il le donna, faute de mieux, a Valentin, qui le recut
avec reconnaissance; il lui donna, en outre, quelque argent, et, comme
il lui rappelait, en montrant une vieille carte de geographie clouee au
mur, que le but de son voyage etait l'ermitage de Sainte-Anne, pres
de Luneville, ou il comptait finir ses jours, l'enfant lui dit, avec
attendrissement, qu'il se promettait bien de l'y rejoindre, des qu'il
serait devenu savant: ce qui etait le but invariable de ses esperances.
--Vous plait-il, M. le cure, lui dit-il, de me laisser, en souvenir
de vous, cette carte que vous n'avez pas l'air de vouloir emporter a
Sainte-Anne?
--De grand coeur, je te la donne, mon ami, reprit le cure en souriant,
mais que feras-tu de cette carte, si je ne suis pas la pour t'enseigner
son usage? C'est un grimoire inintelligible pour toi.
--Oh! que non pas, M. le cure! repartit l'enfant, qui se redressa d'un
air capable; j'en ai vu deja une chez M. le bailli d'Arthonay, il y a un
an, quand mon pere m'y mena avec lui, et comme je la regardais a pleins
yeux, le commis de M. le bailli eut la bonte de m'expliquer tout ce
qu'on trouvait sur cette carte, les routes et les chemins, les rivieres
et les cours d'eau, les collines et les vallees, les bois et les champs,
les clochers et les paroisses, les villages et les villes. C'est plus
aise a comprendre que la lecture, et je me reconnais la-dedans, comme si
je voyais tous les lieux qui y sont representes. Oh! la belle chose que
la geographie!... N'est-ce pas ainsi qu'on appelle la science qui fait
connaitre les pays, sans y etre et sans les avoir sous les yeux? Je
donnerais deux doigts de ma main, pour posseder cette science-la!
Le cure etait touche et emerveille d'une pareille envie d'apprendre
et de savoir, chez un enfant qui annoncait ainsi ses dispositions
naturelles a l'etude et qui promettait de ne pas rester en route dans la
voie de l'instruction, s'il ava
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