d a pris deux de vos dindons, mais je viens vous offrir en echange
deux ecus qui les valent..."
--Il m'accuserait d'avoir vendu ses betes, interrompit Valentin, et de
ne lui rendre que la moitie du prix de la vente. Il recevrait l'argent,
et me battrait, par-dessus le marche. Nenni, je ne veux pas m'y risquer.
Aussi bien, j'ai foi dans la Providence qui n'abandonne pas les gens,
quand on se recommande a elle. Priez pour moi, mon digne ami, et moi, je
prierai pour vous, de loin ou de pres.
Valentin executa donc son projet tel qu'il l'avait concu: il partit, des
l'aube, apres avoir fait ses adieux au vieux berger, en le conjurant
de presenter au fermier des excuses de sa part, avec la promesse de
restituer tot ou tard la valeur des deux dindons que le renard lui avait
pris. Il n'emporta que sa corne, qui pouvait lui etre utile, et une
longue corde, qu'il tortillait en guise de ceinture autour de ses reins;
il avait accepte aussi un baton noueux en bois de houx, que le berger
lui donna pour se defendre contre les chiens errants ou meme contre les
loups, qu'il viendrait a rencontrer sur son chemin. Il n'avait pas
de but determine, en se dirigeant vers la ville de Langres, et il ne
songeait qu'a s'eloigner de la ferme ou il n'aurait eu rien de bon a
attendre. Il marcha donc a grands pas, pendant plus de trois heures, et
ne suspendit sa marche, que pour faire honneur aux provisions que le
vieux berger avait mises dans son havresac. Valentin s'etait arrete au
bord d'une petite riviere, assez profonde, qui longeait la route, a dix
ou douze pieds en contre-bas de la chaussee. Il mangeait de bon appetit,
et revait aux circonstances imprevues qui allaient decider de son
avenir, lorsqu'il entendit le trot d'un cheval qui s'approchait de son
cote, mais il se trouvait dans un fond ombrage, d'ou l'on n'apercevait
pas la route. En ce moment, le cavalier, qu'il ne pouvait voir, venant
a passer a peu de distance de lui, fut tout a coup desarconne par sa
monture, qui l'envoya tomber, la tete en avant, dans la riviere. Cet
homme ne savait pas nager et il aurait ete noye infailliblement, si
Valentin, qui ne savait pas nager davantage, n'eut fait acte de courage
et d'adresse pour le sauver. L'enfant eut assez de presence d'esprit,
en face du danger que courait cet homme, pour lui porter secours a
l'instant: il deroula rapidement la corde qu'il avait autour de son
corps, fit un noeud coulant a l'un des bouts de cette corde, et la lanca
si
|