ir, ou il se fourra dans son
lit, tout tremblant de froid et d'anxiete, sans se dessaisir de cette
cloche accusatrice, qu'il se repentait de n'avoir pas lancee a la tete
du Pere Fremion.
Celui-ci etait tellement epouvante dans les tenebres ou le laissa
Crebillon, qu'il eut peine a rassembler ses idees, lorsqu'on accourut
avec des flambeaux: il expliqua, par signes, que, guide par les sons
de la cloche, il etait arrive dans la cave, au moment ou son collegue
luttait contre un demon, qui ne pouvait etre que le Moine-bourru. Quant
au Pere Griffon, qui gisait dans une mare de vin et qui n'avait pas
recouvre sa raison, il declara ne pas savoir comment il se trouvait dans
la cave, au lieu d'etre a son poste de garde; il jura que c'etait le
Moine-bourru en personne, qui l'avait attire dans un piege et lui avait
fait souffrir tous les tourments du purgatoire: la description de ces
tortures infernales deguisa l'etat de trouble ou l'avaient mis le vin et
la peur.
Le principal ne savait plus que penser de ces incomprehensibles
apparitions; il refusa de se recoucher, et passa le reste de la nuit a
parcourir les cours, les caves et les batiments, sans rien voir ni rien
entendre de surnaturel. Le Moine-bourru, par suite de cette aventure
merveilleuse, obtint de nouveaux temoignages, en faveur de son existence
reelle, qui des lors fut dument constatee.
Crebillon, qui avait fait semblant de dormir, malgre tout ce tumulte, ne
repondait pas aux questions de ses camarades; il feignit d'etre malade,
le lendemain matin, et ne se leva point en meme temps que les autres. Il
n'osait remuer en son lit, parce que le moindre son de cloche eut amene
la decouverte de cette cloche dans ses draps et la preuve irrecusable de
sa culpabilite. Il avait pourtant cherche, dans son cerveau, le plus
sur et le plus prompt expedient pour se debarrasser de cet incommode et
dangereux corps de delit. A peine les dortoirs furent-ils deserts, qu'il
s'habilla precipitamment et emporta la cloche, avec bonheur, dans la
chambre de la Correction, qu'il trouva toute grande ouverte, par suite
d'une distraction et d'un affolement du Pere Griffon.
C'etait dans cette chambre que les Peres fouetteurs enfermaient leurs
provisions de bouche et les nombreux cadeaux qu'ils recevaient des
parents et des ecoliers, comme ces galettes de farine et de miel que le
sage et pieux Enee presente a Cerbere, dans l'_Eneide_ de Virgile, pour
endormir la ferocite de ce chien a trois te
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