ns pour se
soutenir et ne pas tomber sans connaissance.
Soudain, une voix stridente se fit jour a travers l'entrebaillement
d'une porte fermee, et retentit dans le salon, ou l'emotion apparente du
musicien avait gagne de proche en proche tous les spectateurs.
--Jacques! disait cette voix lamentable: le petit se meurt, le petit va
mourir etouffe! Ouvre, ouvre ta machine! Jacques, pour l'amour de Dieu,
sauve notre enfant!
Louis XIV avait donne un ordre, et deux pages de la chambre etaient deja
en conference avec Raisin, qu'ils sommaient, au nom du roi, de mettre a
decouvert le secret de l'orgue magique. Le musicien essayait de resister
et demandait avec instances qu'on se contentat de transporter dans une
autre salle le coffre qui contenait son jeu d'orgue; il suppliait a
mains jointes, il invoquait son privilege, ses droits d'inventeur
mecanicien et organiste.
--O mon Dieu! disait Mademoiselle de Sevigne, qui connaissait seule le
secret de l'orgue magique: ce mauvais pere laissera perir son enfant!
--Que de retards! que de resistances! disait le roi a Madame: cet homme
est bien ose de desobeir a mes ordres? Ca, qu'on brise sa machine a
coups de marteau! Je veux voir ce qu'il y a la-dedans.
Raisin ne se le fit pas dire une seconde fois; il alla ouvrir lui-meme
le compartiment, dans lequel son fils etait renferme, et il l'en tira
evanoui, sans haleine et sans mouvement. Une rumeur immense d'inquietude
et d'indignation s'eleva de toutes parts. Mais le musicien eut recours
aux moyens qu'il avait deja employes souvent, pour combattre un
commencement d'asphyxie: il secoua l'enfant, lui souffla dans la bouche,
lui frotta les tempes et lui humecta les paupieres avec de la salive.
L'interet palpitant de cette scene inattendue tenait en emotion tous
ceux qui en etaient temoins; les femmes poussaient des exclamations,
aussitot reprimees; quelques-unes etaient sur le point de perdre le
sentiment.
Enfin, l'enfant avait rouvert les yeux, et il portait autour de lui un
regard indecis; il se ranima rapidement et parvint a se mouvoir, en
retrouvant la conscience de lui-meme, lorsque son pere lui ordonna de
s'agenouiller et d'implorer le pardon du roi; mais cet enfant etait
incapable de prononcer une parole.
--Sire, dit Raisin, qui reprit l'assurance et la hardiesse d'un ancien
comedien, j'expose respectueusement aux regards de cette illustre
assemblee le secret de l'orgue magique, ce secret qui etait l'unique
ressource
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