endit compte non seulement de la forme des
lettres, mais il en retint la valeur, le son et l'usage, de telle sorte
qu'il comprenait deja leurs rapports entre elles et qu'il les liait
l'une a l'autre pour composer des syllabes et des mots. Il ecoutait
attentivement la demonstration et l'explication que lui donnait son
maitre, et il repetait de la maniere la plus fidele ce qu'il avait
entendu. Jamais intelligence plus spontanee, jamais intuition plus
lumineuse, ne s'etaient revelees chez un enfant. Le bon cure etait
emerveille; il encourageait son eleve et ne se lassait pas de lui
adresser des eloges. Il n'interrompit sa lecon que par un frugal repas
qu'il fit partager a cet enfant si bien doue et si bien inspire, qui
oubliait le boire et le manger pour s'instruire, en profitant de
l'obligeance infatigable de son premier instituteur. La lecon ayant ete
reprise, au sortir de la table, ce fut l'eleve qui fatigua le maitre.
Celui-ci ne revenait pas de sa surprise, et il eut de la peine a croire
que le petit lecteur ne connaissait pas ses lettres, avant d'etre venu
au presbytere de Montglas. Valentin ne songeait pas a retourner aupres
de sa mere, et il eut volontiers suivi a pied le cure jusqu'en Lorraine,
pour savoir lire. Le soir venu, le cure se vit oblige de le garder au
presbytere et de lui faire un lit, ou l'enfant se coucha tout habille;
il aurait prefere ne pas interrompre la lecon, la seule que le digne
cure lui avait donnee, et cette lecon il la repassa dans sa memoire
durant la nuit entiere, au lieu de dormir. Sa preoccupation etait
d'avoir un livre, dans lequel il pourrait, sans les conseils du maitre,
s'exercer a la lecture, car il en avait retenu les premiers elements,
et des que le jour parut, il se remit a etudier tout seul, avec une
incroyable perspicacite, ce qu'il se souvenait d'avoir appris la veille
dans le breviaire.
Le cure de Monglas ne pouvait ajourner son depart, mais il le retarda
de quelques heures, pour donner encore une lecon a Valentin et pour
le conduire chez un gros fermier voisin, qu'il pria de recueillir et
d'employer dans sa ferme cet enfant, qui ne demandait qu'a gagner son
pain de chaque jour.
Ce fermier etait un avare egoiste et brutal, qui ne prenait conseil que
de son interet personnel et qui n'aurait pas donne un liard a un pauvre,
si ce liard ne lui eut pas rapporte un sou: il fit mine pourtant d'avoir
egard a la recommandation pressante du cure, et il consentit a promettre
la no
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