ner une centaine a son choix, et ne quitta pas sans emotion
cet enfant ingenieux et intelligent, en lui repetant qu'il perdait la
meilleure occasion d'avoir autant de livres qu'il en voudrait et plus
qu'il n'en pourrait jamais lire.
Valentin avait hesite a se separer du pere Lalure, car il apprit, a son
entree dans l'ermitage de Sainte-Anne, que le digne Cure de Monglas
etait mort, quelques jours auparavant; mais ce bon Cure ne l'avait
oublie, en mourant: il avait recommande, par testament, aux Peres
ermites, de faire bon accueil a un enfant, nomme Valentin Jameray Duval,
qui devait venir, un jour ou l'autre, a l'ermitage, pour y faire son
education religieuse. L'enfant fut donc accueilli avec la plus gracieuse
bienveillance, comme un eleve du defunt cure de Monglas. On s'informa du
genre de vie qu'il avait mene et du genre d'emploi qu'il exercait, avant
de venir chercher chez les Ermites une retraite hospitaliere; Valentin
raconta naivement son histoire, et l'on crut qu'il se trouverait tres
honore de garder les vaches, apres avoir garde les dindons....
L'ermitage de Sainte-Anne, a une demi-lieue de Luneville, etait pauvre,
malgre son ancienne origine, qui lui assurait la protection des ducs
de Lorraine; mais les trois ou quatre ermites qui vivaient dans cette
sainte maison n'avaient pas besoin des biens de la terre: ils ne
mangeaient pas de viande, ne buvaient pas de vin, et se nourrissaient de
pain noir, de fromage et de lait, quand ils ne jeunaient pas. Valentin
n'eut pas a se faire violence pour se soumettre a ce regime, n'ayant
pas ete accoutume a une nourriture moins frugale et plus abondante. Il
s'astreignit volontiers a ces privations, d'autant plus que les ermites,
absorbes par leur vie ascetique, le laissaient entierement libre de son
temps, et ne lui imposaient pas d'autre devoir que de soigner les
quatre vaches de l'ermitage, de les mener au paturage, de les traire et
d'employer une partie de leur lait a faire des fromages. Il etait meme
dispense d'assister aux offices, excepte le dimanche.
Depuis le lever du soleil jusqu'a la nuit, il donnait a l'etude,
c'est-a-dire a la lecture la plus attentive et la mieux meditee, tous
les moments dont il pouvait disposer. Les six heures qu'il passait tous
les jours avec ses betes, dans un paturage solitaire, sur la lisiere
d'une foret immense, n'etaient pas les moins bien remplies: il ne
faisait son metier de vacher qu'entoure de livres; il les lisait avec
une tel
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