de saluer cette belle dame, que
j'avais l'honneur autrefois de rencontrer a la cour de ma veneree
souveraine Sa Majeste la reine-mere Anne d'Autriche, quand elle etait
regente de France. Je n'oublierai jamais, s'il plait a Dieu, les coups
de canne que feu son epoux M. le marquis de Sevigne m'a fait administrer
par ses laquais...
--Il fallait donc que vous les eussiez merites, reprit vivement M. de
Saint-Aignan, pour en avoir, apres douze ou quinze ans, aussi chaud
souvenir? Depechez, s'il vous plait, car nous n'avons pas de temps a
perdre a ces bagatelles. Venez-vous pas nous donner des nouvelles du
jeune marquis de Sevigne et de mademoiselle de Sevigne, que je fais
chercher partout le chateau? Cela seul nous importe a cette heure.
--Je venais, en effet, monseigneur, repondit Langeli, vous annoncer,
qu'ils ont ete conduits l'un et l'autre chez son Altesse royale Madame
la duchesse d'Orleans.
--Dieu soit loue! s'ecria la marquise de Sevigne, en adressant un
sourire de reconnaissance a Langeli, qu'elle meprisait et detestait
pourtant de longue date. Monseigneur, dit-elle en se tournant vers le
comte de Saint-Aignan, ne vous semble-t-il pas opportun que j'aille en
personne reprendre mes enfants et faire ma cour a son Altesse royale,
pour la remercier d'avoir bien voulu les recueillir, en l'absence de
leur mere?
--Je serais tres honore, Madame, dit Langeli avec une malice perfide,
de me faire votre chevalier d'honneur, et de vous conduire moi-meme
jusqu'aux antichambres de son Altesse Royale.
--Monseigneur, repartit la marquise de Sevigne en se rapprochant du
comte de Saint-Aignan avec un mouvement d'effroi, vous m'avez offert de
m'accompagner chez son Altesse Royale Madame; vous me donnerez ainsi
l'assurance qui me manque, et si vous le jugez a propos, je serai
heureuse d'etre presentee, sous vos auspices, a Monseigneur le duc
d'Orleans.
--Nous allons donc de ce pas chez son Altesse Royale Madame, dit le
comte de Saint-Aignan. Quant a vous, maitre Langeli, je vous dispense de
porter la queue de la robe de madame la marquise de Sevigne.
--Vous savez, Monseigneur, reprit vivement Langeli, que sa Majeste
daignera entendre, ce soir, le clavecin magique du sieur Raisin,
ex-organiste de la ville de Troyes? Nous nous retrouverons donc l'un
et l'autre, a cette occasion, en face de sa Majeste. Quant a madame la
marquise, je desire qu'elle se souvienne, comme je m'en souviens et m'en
souviendrai toujours, de la graci
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