it renferme dans
l'interieur de l'instrument, ou il devait rester, sans air et sans
lumiere, pendant plusieurs heures.
--Malheureux enfant! murmurait-elle tout bas: un jour ou l'autre, il
mourra etouffe dans cette affreuse boite, ou il est condamne a passer la
plus grande partie de sa vie. Dieu fasse qu'il grandisse assez vite pour
etre delivre de sa prison!
On annonca le roi, et Louis XIV parut, dans tout l'eclat de son grand
habit de cour, suivi de la reine Marie-Therese, de son frere Monsieur le
duc d'Orleans, de sa belle-soeur Madame Henriette d'Angleterre, et de
plusieurs princes et princesses de sa famille, qui prirent place a ses
cotes. Madame avait fait reserver des sieges aupres d'elle pour la
marquise de Sevigne et ses deux enfants, qu'elle comblait d'attentions
et de politesses. Des que tout le monde fut assis, on vit s'avancer le
comte de Bussy-Rabutin, en grand costume de cour, qui, conduit par son
ami, le comte de Saint-Aignan, venait saluer le roi.
--On est satisfait de vous voir, apres une courte absence, lui dit le
roi avec moins de froideur qu'a l'ordinaire. Je vous avais fait inviter
par votre gracieuse parente, madame la marquise de Sevigne; vous ferez
bien de vous rapprocher d'elle et de vous guider souvent d'apres ses
avis.
Bussy s'inclina profondement et alla occuper un siege qu'on avait laisse
vide a cote du marquis de Sevigne. Le roi donna l'ordre de commencer
le concert. Le musicien, dont l'emotion s'augmentait a chaque instant,
ouvrit d'une main tremblante le clavier de l'orgue magique, et il
n'etait plus visible de personne, lorsqu'il se fut assis devant cet
orgue, qui le couvrait entierement.
Mais mademoiselle de Sevigne l'avait vu, l'avait reconnu, et sa memoire
lui rappelait alors tout ce dont elle avait ete le temoin involontaire
dans une chambre des Communs du palais, ou elle etait restee assez
longtemps evanouie. L'effroi et l'aversion que lui avait inspires ce
musicien ivrogne et brutal, qui maltraitait son fils, en l'accablant
d'injures et de menaces, se raviverent tout a coup dans l'esprit de
cette jeune personne, que tenaient emue et oppressee les souvenirs
confus de sa bizarre aventure. Elle ne se rendait pas bien compte de
ce qui s'etait passe pendant son sejour accidentel au milieu de cette
famille de bohemiens, qui n'avaient eu pour elle que des egards
respectueux et attentifs; mais elle se rappelait que le coffre,
contenant l'orgue magique renfermait aussi un etre vi
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