pas les dames; j'irai plutot chez Madame, avec mes deux
enfants, Charles et Francoise.
--Pardieu! j'eusse ete charme de les voir et de les embrasser, s'ils
sont venus avec vous, ma cousine, et je vous garde rancune de ne pas me
les avoir amenes. Je parie que votre fille Francoise est en passe de
devenir aussi belle que vous l'etes, mais, a coup sur, si spirituelle
qu'elle puisse etre, elle ne le sera jamais autant que vous.
--Adieu, flatteur! lui dit Madame de Sevigne. Vous me faites oublier que
mes enfants sont restes dans mon carrosse, ou ils m'attendent depuis
tantot une heure, en s'inquietant de l'approche de la nuit. Adieu,
Roger! Je m'en vais me rendre chez M. le comte de Saint-Aignan, ou nous
aurons bel a faire pour vous tirer de ce mauvais pas. Faites en sorte,
mon ami, que je vous retrouve moins extravagant, lorsque je reviendrai
vous apporter vos lettres de grace.
--Cousine, cousine, la plus precieuse lettre de grace sera celle que
vous m'ecrirez de votre plus fine plume et de votre meilleure encre,
vous qui savez ecrire de plus belles lettres que Balzac et Chapelain!
La marquise de Sevigne fut ramenee a son carrosse, par le gentilhomme
qui l'avait attendue et qui lui fit escorte respectueusement jusque-la.
Mais quelle fut l'emotion, quelle fut l'inquietude de cette tendre mere,
lorsqu'elle apprit, de la bouche du cocher et du laquais, que son fils
avait saute a bas de la voiture pour chercher querelle a une espece de
comedien et qu'il avait ete emmene par un officier du palais! Quant a
mademoiselle de Sevigne, qui n'avait pas reparu, depuis qu'elle etait
descendue aussi de voiture, on supposait qu'elle avait eu l'intention
d'aller rejoindre sa mere.
Ces renseignements vagues et insuffisants ne firent qu'accroitre les
angoisses de la marquise, qui, sachant, par experience, a quels exces de
violence pouvait se porter son fils, s'imagina que ce jeune presomptueux
etait capable d'avoir provoque ou accepte un duel avec un adversaire
indigne de lui. Elle ne se rappelait que trop le fatal duel qui lui
avait enleve son mari! Elle etait moins inquiete au sujet de sa fille,
parce qu'elle croyait avoir a compter sur la raison, l'intelligence et
la sagesse prematurees de cette jeune personne.
L'idee lui vint que mademoiselle de Sevigne, voyant son frere en
altercation avec un inconnu, avait juge necessaire de lui assurer
immediatement une protection puissante et s'etait fait conduire chez le
premier gentilho
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