ds environ de profondeur; il
poussa un faible cri, en tombant dans une citerne ouverte presque au
niveau du sol, et quoique etourdi, abasourdi, effraye de cette chute
inattendue, il eut la presence d'esprit, au moment ou il plongeait dans
l'eau, d'etendre les bras et de s'attacher a une corde qu'il
rencontra sous sa main, par bonheur, et sans laquelle il eut ete noye
infailliblement. Il se hissa hors de l'eau, a l'aide de cette corde
flottante entre ses doigts crispes, et se reposa, tout essouffle et
transi, sur les bords vacillants d'un seau qui surnageait dans la
citerne.
A peine etait-il installe dans une position assez incommode, puisqu'il
devait garder un equilibre difficile et maintenir immobile la corde qui
menacait de lui echapper, le jardin, eclaire par des torches et des
lanternes, retentit de pas, de cris et de maledictions. Scarron, qui
avait reveille tout le faubourg par une apparition et une disparition
qu'on regardait egalement comme surnaturelles, se garda bien d'appeler
du secours, lorsqu'il eut entendu un des jardiniers, arrete aupres de la
citerne, s'entretenir de l'evenement avec un des domestiques de l'hotel.
--Mon ami, disait ce jardinier avec force signes de croix, c'est une
histoire ancienne, que m'a contee un vieux Pere chartreux, qui est
decede il y a vingt ans. Dieu lui fasse misericorde! Le diable, que vous
avez vu et que nous pourchassons en vain, n'est pas ne d'hier, car il
a fait de bons tours, en ce meme lieu, sous le regne du bon roi saint
Louis, patron de la confrerie des barbiers.
--Sacrebleu! maitre Pierre! interrompit le domestique terrifie: c'etait
un grand diable que celui-ci, tout habille de plumes comme un coq,
enfume comme un jambon de carnaval, et lancant des flammes par les yeux
et la bouche! On ne sait pas encore ce que M. le comte est devenu, et
l'on se demande si ce diable ne l'a pas emporte tout vif dans l'enfer.
--Le cas ne serait pas neuf, Andre, reprit le jardinier. M. le comte a
peche grievement, en allant a cette folle mascarade qui s'est donnee
cette nuit dans la rue des Tournelles. Or ca, l'ami, ecoute mon
histoire: En ce temps-la, ce n'etait pas hier, on voyait, a la place
qu'occupe aujourd'hui la Chartreuse des reverends Peres, un chateau
ruine, ou le diable menait son sabbat et tordait le cou a ceux qui
s'en approchaient, malgre le bruit infernal qu'on y faisait; mais les
Chartreux obtinrent du roi d'alors la donation de cette maison assez mal
famee, et i
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