ondit madame de Sevigne, qui, dans toute autre
circonstance, aurait ri de cette comparaison assez ridicule, veuillez me
dire ou il faut aller, et je donnerai ordre de m'y conduire sur l'heure,
car je ne suis pas seule, et mes enfants doivent attendre mon retour,
sans quitter la voiture.
--Vous ne serez pas longtemps absente, Madame, reprit l'inconnu en
saluant de nouveau, mais votre carrosse ne saurait suivre le chemin
que nous allons prendre. L'affaire presse, et vous seriez la premiere
chagrine des consequences d'un retard. Il vaut mieux que votre carrosse
s'en aille attendre votre retour, dans la cour basse des Communs, ou il
vous faudrait descendre pour gagner le logement qui vous est reserve au
chateau.
--Monsieur, se prit a dire Charles de Sevigne, pendant que sa mere
sortait de la voiture, ne tenez pas en mauvaise part le facheux etat ou
vous voyez notre carrosse et la livree de nos gens. C'est un malotru
qui les a ainsi eclabousses, sur la route, et je suis encore confus
et depite de n'avoir pas chatie son insolence. Si je connaissais son
maitre, ce maitre-la paierait au double pour son valet.
--Ne vous echauffez pas pour si peu, Monsieur le marquis, repartit le
gentilhomme: il suffira d'un coup de brosse, ou d'un coup d'eponge, pour
remettre les choses en leur etat presentable, et si nous retrouvons le
malotru, je vous aiderai a le rosser d'importance.
Le jeune Sevigne rougit d'orgueil, en s'entendant qualifier de marquis
par un homme qui, a en juger par le ton et par l'habit, devait
appartenir a la maison militaire du roi ou d'un prince du sang. Il se
redressa d'un air de suffisance et envoya un regard satisfait a sa
soeur, qui s'etait cachee dans ses coiffes.
La marquise de Sevigne, quoique richement et galamment habillee sous son
costume de voyage, n'avait pas fait difficulte de descendre de voiture
et d'accompagner a pied son guide inconnu, d'autant plus qu'elle etait
pourvue d'une double chaussure qui lui permettait de braver la marche
dans de plus mauvais chemins. Elle donna des ordres a ses domestiques,
en leur laissant la garde de ses enfants, et elle s'eloigna, en suivant
le gentilhomme qui n'eut pas ose lui offrir le bras.
D'apres ses instructions, le cocher conduisit le carrosse, en
contournant les nouveaux batiments du chateau, dans une des cours de
service, ou devaient se rendre les voitures de toutes les personnes qui
avaient recu des invitations de la part du roi, Charles de Sevigne c
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