interrompit gaiment Antoinette:
il s'agit de revenants, ma chere _Feuille-morte_.
--Je les ai vus, Mademoiselle, aussi vrai que je m'appelle Jean-Pierre
pour vous servir.
--Vrai! Vous les avez vus, Jean-Pierre? dit Germain, qui se rejouissait
tout bas de n'avoir pas a rester au chateau.
--Et moi, de meme, je les ai vus, monsieur Germain! reprit a son tour
Marie-Jeanne, en baissant la voix.
--Moi, je voudrais bien les voir! s'ecria mademoiselle de La Garde,
qui narguait par sa moue railleuse la credulite de deux paysans et qui
augmentait leurs craintes en ne les partageant pas. Et toi, Therese, ne
les voudrais-tu pas voir?
--Assurement, repondit-elle sans s'emouvoir plus qu'a l'ordinaire; mais
nous ne les verrons pas.
--Pourquoi cela, puisqu'ils se laissent voir, ces honnetes revenants?
--Parce que de leur naturel les revenants fuient qui les cherche et
cherchent qui les fuit.
--Vous qui les avez vus, maitre Jean-Pierre, saurez-vous dire comme ils
sont faits? s'enquit Germain.
--Le premier, que j'ai vu, etait enveloppe d'un drap blanc et dansait,
au clair de la lune.
--Celui qu'il a vu ensuite, continua Marie-Jeanne, n'etait pas plus gros
qu'une tonne, mais il grognait comme un porc et il agitait des bras plus
longs que des faucilles.
--J'en ai vu un autre couvert de poils noirs, reprit le jardinier
rencherissant sur le recit de sa femme.
--Quant a celui que j'ai rencontre, sur la brune, dans le cellier,
interrompit encore la jardiniere, il avait l'apparence d'une naine,
mais cette naine etait pourvue de cornes et d'une queue en facon de
boudin....
--Eh bien! je serais charmee d'avoir en spectacle ces messieurs les
revenants! dit Antoinette, qui entra enfin, avec son amie, dans une
salle basse du chateau, ou Marie-Jeanne et son mari ne les suivirent
qu'avec repugnance, en se disposant a s'enfuir au moindre sujet
d'alarme. Tarderont-ils a paraitre, vos revenants?
--Il faut que la nuit soit plus noire, repartit vivement Jean-Pierre:
les revenants n'aiment pas plus le grand jour, que les voleurs.
--Jesus de Dieu! Mademoiselle, est-ce que vous pensez serieusement a
passer la nuit ici? demanda la vieille, saisie de compassion pour cette
curieuse imprudente: etes-vous decidee a vous faire tordre le cou?
--Je n'ai que faire de votre compagnie, Marie-Jeanne: je resterai seule
avec mademoiselle d'Urtis, et demain, au jour, je vous donnerai des
nouvelles de nos revenants.
--Crois-tu bonnemen
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