gurer, ainsi que sa fille, dans
le _Ballet des Arts_, qu'on montait alors a Versailles pour y etre
represente vers le milieu de janvier de l'annee suivante. A la reception
imprevue de cette lettre, madame de Sevigne tint conseil avec ses
enfants: son fils ne se sentait pas de joie, a l'idee d'etre presente
a la cour; mais sa fille eut prefere se voir dispensee d'accepter un
honneur qui lui causait d'avance tant de trouble et d'embarras. Une
invitation du roi etait un ordre, auquel il fallait se soumettre, sous
peine d'etre a jamais en disgrace. Cependant madame de Sevigne cherchait
un pretexte pour se faire une excuse et un motif de refus. Elle ecrivit
a son cousin, le comte de Bussy-Rabutin, qui etait l'ami du comte de
Saint-Aignan, et elle le pria de trouver l'excuse qu'elle put faire
valoir.
Bussy-Rabutin s'empressa de lui repondre qu'il n'y avait pas d'excuse
admissible; que le roi avait daigne, en effet, remarquer son absence
a la cour, et que ce serait perdre l'avenir de son fils, compromettre
celui de sa fille, et se rendre pour toujours indigne des bonnes graces
de Sa Majeste, que d'hesiter a se montrer a Versailles, avec ses deux
enfants, quand le roi daignait l'y inviter.
Madame de Sevigne ne balanca plus et repondit au comte de Saint-Aignan,
qu'elle etait vivement touchee des bontes du roi a son egard, et qu'elle
se conformerait humblement aux intentions de Sa Majeste.
De ce moment, tout est change dans l'interieur de la marquise de
Sevigne. On ne songe plus qu'aux preparatifs d'un premier voyage a
Versailles. Il y a bien un vieux carrosse sous la remise et un assez
bon cheval dans l'ecurie: le second cheval est achete; le carrosse
est repeint et remis a neuf; le cocher et le petit laquais auront des
livrees neuves. Madame de Sevigne n'avait qu'a se souvenir, pour aviser
aux necessites de toilette qu'exigeait une presentation a la cour. Les
joailliers, les lingeres, les couturieres, les cordonniers, tous les
marchands qui concourent a l'oeuvre compliquee du costume feminin et
masculin, sont mandes a la fois pour executer en toute hate les habits
de cour, pour la mere et ses deux enfants. Depuis pres de douze ans
que madame de Sevigne etait veuve, elle avait affecte la plus grande
simplicite dans sa maniere de se vetir, mais elle n'avait pas perdu le
sentiment et le gout de l'elegance. Ce fut donc elle qui prit plaisir a
diriger et a inspirer les ouvriers et les ouvrieres, qui travaillerent
aux riches ha
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