une charge
analogue aupres de cette princesse, se voyait forcee de demeurer a la
cour, residant alors au Chateau de Saint-Germain-en-Laye. Or, sa fille
Antoinette, agee de neuf ans, se trouvait seule a Paris, loin des yeux
et des soins de sa famille, dans le couvent des Carmelites de la rue du
Bouloy, pour y commencer son education. Madame de La Garde fremit du
danger qui pouvait menacer son enfant, au milieu d'une ville infectee
par la contagion et dans le sein d'une communaute religieuse ou ne
penetraient pas facilement les secours de l'art. Elle eut voulu, pour
rassurer sa tendresse, proteger de ses regards maternels cette jeune
tete, sur laquelle reposaient tant d'esperances, mais des ordres severes
de la cour ne permettaient a personne de venir de Paris a Saint-Germain,
et elle se fut exposee a une disgrace en meme temps qu'a la perte de sa
charge, si elle avait essaye de s'absenter pour se rendre aupres de
sa fille. Une de ses amies, madame d'Urtis, etait dans une position
identique: mademoiselle Therese d'Urtis, qui avait a peu pres l'age de
mademoiselle de La Garde, elevee dans le meme couvent qu'elle, devait
etre egalement separee de sa mere, par des obstacles resultant de
la charge de celle-ci dans la maison de la reine. Les deux meres se
confierent donc leurs inquietudes, et tinrent conseil pour les faire
cesser, en ecartant leurs enfants du foyer de l'epidemie.
Un matin, pendant que Therese et Antoinette se promenaient, cote a
cote, dans le cloitre du couvent de la rue du Bouloy, et se recitaient
mutuellement quelques vers qu'elles avaient retenus de leurs lectures
d'enfance, on les avertit de se preparer a monter en carrosse. Elles
bondirent de joie, a cette nouvelle, sans s'informer du motif d'une
sortie, contraire a la regle du couvent, et l'idee ne leur vint pas d'en
tirer un facheux augure. Elles se haterent de revetir leurs plus beaux
habits des jours de fete, leurs robes de taffetas toutes garnies de
rubans et de dentelles, avec leurs souliers de satin a talons rouges et
leur beguin de velours noir a passements d'argent, toilette mondaine
et coquette, qui ne se sentait pas du costume lugubre et austere des
religieuses Carmelites.
Antoinette de La Garde etait deja jolie, avec ses yeux vifs, son teint
vermeil, sa bouche toujours souriante, son air espiegle et mutin;
Therese d'Urtis ne le cedait pas en beaute a sa compagne, quoique ses
cheveux fussent blonds comme de l'or, au lieu d'etre noirs comme
|