la
neige, sans pouvoir eteindre la fievre brulante qui la consumait. Je
demandais a Dieu de nous rappeler a lui pour abreger nos souffrances,
car nous etions destinees a mourir sans secours. Un soir, comme la neige
tombait dru, nous nous abritames dans une masure, qui est fort proche de
ce chateau, et deja j'arrangeais une litiere avec de la paille enlevee
aux granges voisines, pour y coucher maman qui se sentait plus mal,
lorsqu'un chien entra, en se trainant sur le ventre, dans la cachette
ou nous etions. J'eus peur d'abord et crus qu'il allait nous chasser
a belles dents; mais il n'aboyait pas et il se plaignait, comme s'il
souffrait beaucoup. Je m'apercus que le pauvre animal avait les pattes
de derriere tout en sang et ne pouvait s'en servir. On lui avait tire un
coup de mousquet, sans doute parce qu'on l'avait pris pour un loup.
Je dechirai ma chemise et bandai ses blessures le mieux qu'il me fut
possible; ensuite je partageai avec lui un morceau de pain qui me
restait: il me lecha, il me flatta, il m'invita par tant de caresses a
le suivre, que je le suivis, en quittant maman qui s'etait endormie. Il
me conduisit dans la cour de ce chateau et se glissa par une porte que
je m'etonnai de trouver ouverte pendant la nuit: il me mena dans cette
chambre, ou j'entendis crier des petits chiens; c'etaient ceux que cette
chienne avait mis bas, peu de jours auparavant, et je l'aidai a remonter
sur ce lit qu'elle avait choisi pour y faire sa nichee.
--Il y a des petits chiens? s'ecria Therese, en courant au lit avec
la petulance de son age et en decouvrant la courte-pointe qui cachait
Cybele allaitant quatre jolis boule-dogues.
--En verite, il s'agit bien de chiens! dit Antoinette, fachee de cette
interruption peu serieuse, au milieu d'un recit touchant. Les hommes
vous ont refuse l'hospitalite, ajouta-t-elle avec emotion en embrassant
Marie, et cet animal vous l'a donnee!
[Illustration: Marie-Jeanne et son mari furent glaces d'horreur en
trouvant vide la chambre verte.]
--Maman etait si malade! reprit la petite fille: je retournai a la
masure et je decidai, par un mensonge, maman a m'accompagner ici, en lui
disant qu'on m'avait permis de loger dans cette belle chambre. C'est la
que nous sommes cachees depuis plusieurs jours; cette bonne chienne
ne nous a pas quittees, et nous ne l'avons pas chassee de son lit. Ce
chateau n'est point habite, du moins personne n'y demeure pendant la
nuit, et je n'y ai rencontre qu'une
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