t qu'ils s'en vont faire la conversation avec nous?
objecta Therese.
--Ma chere demoiselle, dit Marie-Jeanne en pleurant, ne vous exposez pas
a quelque malheur. Si vous persistez en votre fatale intention, j'irai
prier M. le cure de Saint-Pierre de venir se mettre en oraison avec vous
et jeter de l'eau benite aux revenants.
--Gardez-vous-en bien, Marie-Jeanne! Nous ne voulons pas faire peur a
ces revenants, et nous les recevrons de notre mieux, pour qu'ils ne
s'effarouchent pas trop. Que je sens d'impatience de leur souhaiter la
bienvenue, avec mille prosperites!
--Helas! mes jeunes demoiselles! dit le jardinier, en montrant son front
chauve: vous devriez avoir plus de confiance en moi, et monsieur Germain
ferait sagement de vous ramener a Paris, chez vos parents.
--J'ai des ordres qu'il faut executer, dit le cocher qui remonta sur son
siege et se hata de repartir dans la crainte d'etre oblige de passer une
nuit a La Garde. Un bon avis l'emporte sur cent mauvais, mesdemoiselles;
ayez egard au mien, qui est fonde sur la connaissance des choses: je
vous engage a ne pas jouer avec les esprits!
Germain renouvela encore a Jean-Pierre les instructions de madame de
La Garde, relativement au genre de soins et de precautions que l'etat
sanitaire du pays paraissait recommander: puis, il se remit en route,
pour retourner a Saint-Germain. Marie-Jeanne et son mari delibererent
ensemble sur ce qu'ils avaient a faire pour se rendre dignes de la
confiance de leurs maitres et en meme temps pour ne pas contrarier la
resolution des deux jeunes amies: ils se deciderent a laisser celles-ci
accomplir leur audacieuse epreuve, mais a rester en observation, a
peu de distance de ces deux imprudentes, pour etre avertis de ce qui
arriverait. Ils comptaient sur leurs prieres pour empecher les revenants
de faire du mal a mademoiselle de La Garde et a sa compagne.
En attendant que la nuit fut venue, ils dominerent assez leur epouvante,
pour circuler ensemble, en se tenant par la main, dans la partie du
chateau ou mademoiselle de La Garde avait fait preparer une petite
chambre, un frugal souper et un grand feu; mais comme ils fremissaient a
l'echo de leurs pas! comme ils tremblaient au battement de leurs propres
arteres! comme ils se serraient l'un contre l'autre, en croyant voir, a
chaque instant, une apparition formidable se lever devant eux! Lorsque
le crepuscule commencait a changer les formes et les couleurs,
Jean-Pierre et sa femme,
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