pas encore pris en mauvaise part
et ne s'appliquait qu'a des personnes d'un esprit superieur. Apres son
veuvage, la marquise de Sevigne, qui etait alors dans tout l'eclat de
la jeunesse, renonca au monde et se donna tout entiere a ses enfants,
qu'elle eleva comme elle avait ete elevee elle-meme. Elle vivait
retiree, a Paris, dans le quartier du Marais, sans vouloir reparaitre a
la cour et sans tenir compte des occasions qui s'offraient a elle de
se remarier avec avantage. Elle bornait ses relations au commerce de
quelques amis, que lui recommandaient l'honorabilite de leur caractere
et les agrements de leur societe. Elle avait meme ferme sa porte a son
cousin le comte de Bussy-Rabutin, malgre l'attachement qu'elle lui
conservait depuis leur enfance, quand ce gentilhomme, qui etait marechal
de camp dans les armees du roi, et qui pouvait aspirer a une position
importante dans les grandes charges de l'Etat, s'il eut ete plus sage
et plus prudent, se laissa entrainer au courant d'une vie folle et
desordonnee.
Cependant, les deux enfants de madame de Sevigne etaient en age de
faire leur entree dans le monde, et la mere n'avait plus de motifs pour
continuer a se sequestrer avec eux dans une retraite presque claustrale.
C'etait a la fin de 1662. Charles de Sevigne avait atteint sa seizieme
annee, sa soeur Francoise allait avoir quinze ans: l'un devait bientot
se preparer a entrer dans la carriere militaire; l'autre etait deja
digne de paraitre a Versailles, aupres de sa mere, la belle et charmante
marquise de Sevigne, qu'une absence de douze annees n'avait pas fait
oublier de ses contemporains de l'ancienne cour.
Cette jeune fille se trouvait douee de tous les avantages que la nature
avait departis a sa mere, mais elle n'en savait pas encore le prix, car
elle etait d'une modestie sans pareille et d'une excessive timidite, qui
ne diminuait pas la conscience qu'elle pouvait avoir de la distinction
de sa figure et de son esprit. Son frere, au contraire, qui n'etait,
ni moins beau, ni moins bien fait, ni moins spirituel, s'exagerait
peut-etre ses qualites et son merite, en se croyant appele a marcher
l'egal des plus nobles et des plus brillants seigneurs de la cour de
Louis XIV.
Au mois de novembre 1662, la marquise de Sevigne recut une lettre de
Francois de Beauvillier, comte de Saint-Aignan, premier gentilhomme de
la chambre, qui lui annoncait que le roi avait parle d'elle avec eloges
et que Sa Majeste desirait la voir fi
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