arde de ne jamais repeter devant personne ce que tu viens de me dire
la.--Pourquoi donc, Jean? me dit-il en baillant comme un desespere.--Tu
dors, camarade! lui dis-je en le secouant de toute ma force.--Quand tu
m'auras casse les os, me dit-il avec son sang-froid ordinaire, crois-tu
que je serai plus persuade? Comment veux-tu que je te dise si je suis
brave en duel? je ne me suis jamais battu. Si tu m'avais demande, la
veille de la bataille, comment je me conduirais, je t'aurais dit la meme
chose. J'ai fait le premier essai de mon caractere militaire ce jour-la;
a present, s'il faut en faire un second, je ne demande pas mieux; mais
je ne sais pas mieux que toi comment je m'en tirerai." C'etait un
drole de corps que ce petit Jacques, avec ses petits raisonnements de
philosophe. J'etais sur de lui comme de moi, malgre tout ce qu'il disait
pour m'en faire douter. "Je t'estime, lui dis-je, parce que tu n'es pas
un fanfaron et que tu as du coeur. L'amitie que j'ai pour toi me force
a te dire qu'il faut te battre.--Je le veux bien; mais trouve-moi une
raison pour le faire sans etre un sot. Je t'avoue que vouloir tuer un
homme parce qu'il s'amuse a dessiner ma pauvre personne d'une maniere
bouffonne et plaisante, cela ne me parait pas possible. Moi, je ne suis
pas en colere contre ce Lorrain; il m'amuse beaucoup, au contraire,
et je serais au desespoir de tuer un homme qui fait de si droles
de calembours.--Il faut tacher de le toucher au bras droit, et de
l'empecher de faire jamais la caricature de personne." Jacques haussa
les epaules et se rendormit. Je n'etais pas content de cela; j'attendis
le lendemain matin, et je dis a Lorrain: "Sais-tu que Jacques ne prend
plus si bien la plaisanterie? Il a dit qu'a la premiere caricature il
se battrait avec toi.--Bien, dit Lorrain, je ne demande pas mieux."
Il prend alors un bout de charbon, et, sur un grand mur blanc qui se
trouvait la, il vous fait un Jacques gigantesque, avec le nom et la
decoration; rien n'y manquait. Je rassemble les amis, et je leur dis:
"Que feriez-vous a la place de Jacques?--Cela n'est pas douteux,"
repondent-ils. Je vais chercher Jacques. "Jacques, les anciens ont
decide qu'il faut te battre.--Je veux bien, dit Jacques en regardant son
portrait; ca n'en vaut, ma foi! pas la peine. Vous pensez donc,
vous autres, que je suis insulte?--_Insultissimus_! repond un
facetieux.--Allons, dit Jacques, qui est-ce qui veut me servir de
temoin?---Moi, dis-je, et Borel." Lo
|