diges pour
delivrer sa protegee; et, un beau jour, Cendrillon voyait l'amour et le
monde a ses pieds. Il me semble que c'est la mon histoire. J'ai dormi
dans ma cage, et j'ai fait des songes dores que vous etes venu changer
en certitudes, si vite, que je ne sais pas encore bien si je dors ou si
je veille.
Aussi j'ai eu un peu peur. Le bonheur m'est venu si promptement et
si magnifiquement, que je n'ose y croire. Je crois pourtant que vous
m'aimez et que vous etes le meilleur des hommes; je sais que votre
conduite sera telle que vous me l'annoncez; je sais, de mon cote, que je
n'en serai pas indigne, et ces serments que vous me faites de ne point
m'asservir, je vous les fais aussi: je m'engage a ne point exercer sur
vous la tyrannie des prieres, des reproches et des convulsions, dont
les femmes savent si bien tirer parti. Quoique je n'aie pas votre
experience, je crois pouvoir repondre de ma fierte.
Ce n'est donc pas l'austerite du mariage qui m'effraie. Vous m'aimez et
vous m'offrez tout ce que vous possedez; j'accepte, parce que je vous
aime. Si un jour nous cessions de nous estimer, je ne suis pas inquiete
de mon sort: je sais assez travailler pour gagner ma vie, et je ne vois
en ce genre aucun malheur capable de m'epouvanter assez pour m'empecher
d'accepter le bonheur que vous m'offrez aujourd'hui; ce n'est pas
la misere, ce ne sont pas les malheurs vulgaires de la societe qui
m'inquietent, c'est l'amour que vous avez pour moi, c'est surtout celui
que je ressens pour vous. Vous ne voulez pas m'en parler, Jacques, et
c'est la seule chose qui m'occupe et qui m'interesse.
Peu t'etre que j'agis contre la pudeur en vous parlant de cela,
maintenant que vous affectez de m'entretenir de tout autre sentiment;
mais vous m'avez habituee a vous dire sans detour tout ce qui me vient a
l'esprit. Vous m'avez dit souvent qu'il n'y avait rien au monde de plus
hypocrite et de moins pur que certaines habitudes de reserve que les
femmes s'imposent dans leur conduite et dans leurs discours. Je me livre
donc sans crainte et sans honte, avec vous, a toutes les impulsions de
mon coeur.
Si je vous epousais pour les raisons qui decident au mariage les trois
quarts des jeunes personnes avec lesquelles j'ai ete elevee, je me
contenterais de ce que vous me promettez; et, pourvu que je fusse
assuree d'etre riche et independante, je ferais bon marche de votre
amour et du mien. Mais il n'en est pas ainsi, Jacques. Comment avez-vous
pu croi
|