ecrire en moins
de temps que les autres n'en mettaient pour epeler. Je me souviendrai
toujours des paroles de ta nourrice. "Orgueilleuse comme la mer,
disait-elle en parlant de toi, et mechante comme la bourrasque, il faut
que tout le monde lui cede. Ses freres de lait lui obeissent comme des
imbeciles; ils sont si simples, mes pauvres enfants, et celle-la
si fiere! Avec cela, caressante et bonne comme un ange quand elle
s'apercoit qu'elle a fait de la peine. Elle a ete trois jours au lit
avec la fievre, pour le chagrin qu'elle a eu d'avoir fait mal au petit
Nani une fois qu'elle etait en colere. Elle l'a pousse, l'enfant est
tombe et a saigne on peu. Quand j'ai vu cela, la colere m'est venue a
moi-meme; j'ai couru d'abord relever le petit, et puis j'ai cherche le
demon de petite fille pour l'assommer; mais je n'ai pas eu le courage de
la toucher quand je l'ai vue venir a moi toute pale et se jeter au cou
du petit Nani, en criant: "Je l'ai tue! je l'ai tue!" L'enfant n'avait
pas grand'chose, et la Sylvia a ete plus malade que lui." Le cure, a son
tour, arriva, et m'assura que ton saint etait bien Jean Nepomucene. Le
coeur me bondit de joie, car je t'aimais passionnement depuis une
heure. Ce qu'on me racontait de ton caractere ressemblait tellement aux
souvenirs de mon enfance que je me sentais ton frere de plus en plus a
chaque instant. Pendant ce temps, on te cherchait; tu avais conduit tes
chevres aux paturages; mais la montagne etait haute, et je t'attendais
impatiemment a la porte de la maison. Le cure me proposa de me conduire
a ta rencontre, et j'acceptai avec joie. Que de questions je lui
adressai en chemin! que de traits de ton caractere je lui fis raconter!
Je n'osais pas lui demander si tu etais belle; cela me semblait une
question puerile, et cependant je mourais d'envie de le savoir. J'etais
encore un peu enfant moi-meme, et l'interet que je sentais pour toi
etait, comme mon age, romanesque. Ton nom, etrangement recherche pour
une gardeuse de chevres, resonnait agreablement a mon oreille. Le cure
m'apprit que tu t'appelais Giovanna; mais qu'une vieille marquise
francaise, retiree dans les environs depuis l'emigration, t'avait prise
en amitie des tes premiers ans, et t'avait donne ce nom de fantaisie,
qui avait, malgre l'avis el les remontrances du bonhomme, remplace celui
de ton saint patron. Il n'aimait pas beaucoup la marquise, le brave
cure; il pretendait qu'elle te gatait le jugement et t'exaltait
l'imag
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