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enfin qu'il est temps que je vous aide a m'estimer un peu.
Je ne vous parlerai pas d'amour. Il me serait impossible de vous prouver
que le mien doit vous rendre eternellement heureuse; je n'en sais rien,
et je puis dire seulement qu'il est sincere et profond. C'est du mariage
que je veux vous parler dans cette lettre, et l'amour est une chose a
part, un sentiment qui entre nous sera tout a fait independant de la loi
du serment. Ce que je vous ai demande, ce que vous m'avez promis, c'est
de vivre avec moi, c'est de me prendre pour votre appui, pour votre
defenseur, pour votre meilleur ami. L'amitie seule est necessaire a
ceux qui associent leur destinee par une promesse mutuelle. Quand cette
promesse est un serment dont l'un peut abuser pour faire souffrir
l'autre, il faut que l'estime soit bien grande des deux cotes, et
surtout du cote de celui que les lois humaines et les croyances sociales
placent dans la dependance de l'autre. C'est de cela, Fernande, que
je veux m'expliquer formellement avec vous, afin que si vous livrez
aveuglement votre coeur a l'amour, vous sachiez du moins a qui vous
confiez le soin de votre independance et de votre dignite.
Vous devez avoir pour moi cette estime et cette amitie, Fernande; je les
merite, je le dis sans orgueil et sans forfanterie; je suis assez vieux
pour me connaitre, et pour savoir de quoi je suis capable. Il est
impossible que j'aie jamais envers vous un tort assez grave pour les
perdre, ou meme pour les compromettre. Je vous parle ainsi parce que je
vous estime et que je crois en vous. Je sais que vous etes juste, que
vous avez l'ame pure et le jugement sain. Avec cela il est egalement
impossible que vous m'accusiez sans motif, ou que du moins vous
n'acceptiez pas ma justification quand elle sera eclatante de verite.
Il faut cependant tout prevoir: l'amour peut s'eteindre, l'amitie peut
devenir pesante et chagrine, l'intimite peut etre le tourment de l'un
de nous, peut-etre de tous les deux. C'est dans ce cas que votre estime
m'est necessaire! Pour avoir le courage de m'abandonner votre liberte,
il faut que vous sachiez que je ne m'en emparerai jamais. Etes-vous
bien sure de cela? Pauvre enfant! vous n'y avez peut-etre pas seulement
songe. Eh bien! pour repondre aux terreurs qui pourraient naitre en
vous, pour vous aider a les chasser, j'ai a vous faire un serment; je
vous prie de l'enregistrer, et de relire cette lettre toutes les fois
que les propos du monde ou l
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