ue de tres-ordinaire et de tres-naturel. Mais quelles idees riantes,
quel sentiment de bien-etre ont berce ce premier sommeil sous le toit de
Jacques! Je puis bien dire que je me suis endormie dans la confiance de
mon destin. La fatigue meme du voyage avait quelque chose de delicieux;
je me sentais accablee, et je n'avais la force de penser a rien; mes
yeux etaient encore ouverts et ne cherchaient plus a se rendre compte de
ce qu'ils voyaient, mais n'etaient frappes que d'images agreables. Ils
erraient des rideaux de soie a franges d'argent de mon lit a la figure
toujours si belle et si sereine de mon Jacques, et de la tasse de
porcelaine du Japon, ou il prenait un cafe embaume, a la grande taille
elegante de Rosette, dont l'ombre se dessinait sur une boiserie d'un
travail merveilleux. La clarte rose de la lampe, le bruit du vent au
dehors, la douce chaleur de l'appartement, la mollesse de mon lit,
tout cela ressemblait a un conte de fee, a un reve d'enfant. Je
m'assoupissais et me reveillais de temps en temps pour me sentir bercee
par le bonheur; Jacques me disait avec sa voix douce et affectueuse:
"Dors, mon enfant, dors bien." Je m'endormis en effet, et ne me
reveillai que le lendemain a huit heures. Jacques etait deja leve depuis
longtemps; assis aupres de mon lit, comme la veille, il me regardait
dormir, et vraiment je ne sus pas d'abord s'il s'etait passe une nuit ou
un quart d'heure depuis le dernier baiser qu'il m'avait donne. "Ah! mon
Dieu! quel bon lit! m'ecriai-je; je veux me lever bien vite, et voir
ce beau chateau ou l'on dort si bien. Quel temps fait-il, Jacques? Tes
fleurs sentent-elles aussi bon ce matin qu'hier soir?" Il m'enveloppa
dans mon couvre-pied de satin blanc et rose et me porta aupres de la
fenetre. Je jetai un cri de joie et d'admiration a la vue du sublime
aspect deploye sous mes yeux. "Aimes-tu ce pays? me dit Jacques. Si tu
le trouves trop sauvage, j'y ferai batir des maisons; mais, quant a
moi, j'aime tant les lieux deserts, que j'ai achete cinq ou six petites
proprietes eparses ca et la, afin d'enlever de ce point de vue les
habitations qui, pour moi, le deparaient. Si tu n'es pas du meme gout,
rien ne sera plus facile que de semer cette vallee de maisonnettes et de
jardins; je ne manquerai pas, pour la peupler, de familles pauvres, qui
y feront prosperer leurs affaires et les notres.--Non, non, lui dis-je,
tu es assez riche pour secourir toutes les familles que tu voudras sans
contrarier
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