e. Mon
domestique ira chercher ta lettre demain matin. Je serai force de passer
la journee a Tours.
Ton ami, JACQUES.
XV.
DE FERNANDE A JACQUES
Oui, j'ai confiance en vous, je crois a votre honneur. Je n'avais pas
besoin de vos serments pour savoir que je ne serai jamais ni avilie ni
opprimee par vous. Je suis une enfant, et l'on ne s'est guere donne la
peine de former mon esprit; mais j'ai le coeur fier, et ma simple
raison a suffi pour m'eclairer sur certaines choses. J'ai horreur de la
tyrannie, et si, des les premiers regards que j'ai jetes sur vous, je
ne vous avais pas devine tel que vous etes, je ne vous aurais jamais
estime, jamais aime. Ma mere m'a toujours dit qu'un mari etait un
maitre, et que la vertu des femmes est d'obeir. Aussi j'etais bien
resolue a ne pas me marier, a moins de rencontrer un prodige. Cela
n'etait guere probable, et il m'etait beaucoup plus facile de croire que
j'arriverais tranquillement a l'espece d'independance assuree aux vieux
jours des filles sans dot. Cependant je me figurais quelquefois que Dieu
ferait un miracle en ma faveur, et qu'il m'enverrait un de ses anges
sous les traits d'un homme, pour me proteger en cette vie. C'etait
un reve romanesque, dont je ne me vantais pas a ma mere, mais que je
n'avais pas la force de repousser. Quand j'etais assise a mon metier
aupres de la fenetre, et que je voyais le ciel si bleu, les arbres si
verts, toute la nature si belle et moi si jeune! oh! alors, il m'etait
impossible de croire que j'etais destinee a la captivite ou a la
solitude. Que voulez-vous? J'ai dix-sept ans; a mon age on n'a pas toute
la raison possible, et voila que la Providence se met en tete de me
traiter en enfant gate. Vous arrivez un beau matin, Jacques, avant que
j'aie encore souffert de l'ennui, avant que les larmes du decouragement
aient gate ma fraicheur de pensionnaire, tout au beau milieu de mes
reves et de mes folles esperances. Voila que vous venez tout realiser
sans que j'aie eu le temps de douter et de craindre! Vraiment, il n'y a
pas longtemps que je lisais encore des contes de fees; c'etait toujours
la meme chose, mais c'etait bien beau! C'etait toujours une pauvre fille
maltraitee, abandonnee, ou captive, qui, par les fentes de sa prison, ou
du haut d'un des arbres du desert, voyait passer, comme dans un reve, la
plus beau prince du monde, escorte de toutes les richesses et de toutes
les joies de la terre. Alors la fee entassait prodiges sur pro
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