qui les tirait par la longe, en
maugreant contre elles.
--Ces maudites betes ne veulent pas se tenir tranquilles! disait-il
a part lui. Mais voici justement ce qu'elles cherchent: de l'herbe a
brouter. Il y en a la de quoi paitre jusqu'au soir.
[Illustration: Valentin monta donc sur un grand orme.]
Il avait attache a son bras les quatre cordes qui pendaient aux cornes
des vaches, et il les empechait ainsi de s'ecarter. Il s'assit par
terre, sous l'orme, dans lequel Valentin etait monte; il bourra et
alluma sa pipe, puis il commenca de fumer un affreux tabac, dont les
exhalaisons nauseabondes arrivaient a l'enfant cache dans l'epais
feuillage de l'arbre.
La fumee du tabac n'avait pas tarde a envelopper l'essaim d'abeilles,
suspendu en boule a une des branches inferieures de l'orme, et cette
fumee acre et soporative agit de telle sorte sur les mouches, qu'elles
tomberent en masse, a moitie etourdies, mais furieuses, sur le fumeur,
en s'attachant a ses mains et a son visage, qu'elles criblaient de
piqures. Il poussa de terribles cris d'effroi et de douleur, auxquels
Valentin repondit en cornant a plein gosier, tandis que les vaches
essayaient de s'enfuir en beuglant et brisaient le bras du voleur en
serrant les noeuds coulants des cordes qui les retenaient.
Cet horrible vacarme fit accourir des bucherons, qui travaillaient dans
la foret, et qui vinrent aider Valentin a reprendre possession de ses
vaches, pendant qu'on transportait a l'hopital le malheureux voleur,
cruellement blesse et defigure.
L'aventure eut quelque eclat dans le pays et l'honneur en revint a
Valentin qui avait fait preuve de tant de perseverance, d'adresse et de
courage. On lui attribua meme l'invention d'avoir lance sur le voleur un
essaim d'abeilles, qui en avaient fait justice.
A peu de jours de la, le duc de Lorraine chassait dans la foret.
Valentin n'avait pas mene paitre ses vaches a cause des agitations et
des tumultes de la chasse ducale, mais il s'etait revetu de son habit
d'ermite, comme pour un jour de fete, et il avait emporte avec lui des
livres et des cartes de geographie, pour aller lire et etudier dans les
bois. Il etait donc assis au pied d'un arbre, les yeux attaches tantot
sur un livre et tantot sur une carte, et paraissait absorbe dans ses
etudes, lorsqu'un inconnu, en costume de chasseur tout galonne d'or,
s'approche de lui et lui demande ce qu'il fait la.
--Vous le voyez, Monsieur, repond Valentin avec deference:
|