arbre deviendrait un objet
de crainte, et que personne n'en approcherait plus.
La faim commencait a se faire sentir, et, bien qu'il fut tres-petit
mangeur, il se ressentait bien de n'avoir rien pris de solide la
veille. Irait-il deterrer les favasses encore vertes qu'il avait
remarquees a quelques pas de la? ou irait-il jusqu'aux chataigniers
qui poussaient plus avant dans la foret?
Comme il se preparait a descendre, il vit que la branche sur laquelle
reposaient ses pieds n'appartenait pas a son chene. C'etait celle d'un
arbre voisin qui entre-croisait ses belles et fortes ramures avec
celles du chene parlant. Emmi se hasarda sur cette branche et gagna le
chene voisin qui avait, lui aussi, pour proche voisin un autre arbre
facile a atteindre. Emmi, leger comme un ecureuil, s'aventura ainsi
d'arbre en arbre jusqu'aux chataigniers ou il fit une bonne recolte.
Les chataignes etaient encore petites et pas tres-mures; mais il n'y
regardait pas de bien pres, et il mit comme qui dirait pied a terre
pour les faire cuire dans un endroit bien desert et bien cache ou les
charbonniers avaient fait autrefois une fournee. Le rond marque par le
feu etait entoure de jeunes arbres qui avaient repousse depuis: il y
avait beaucoup de menus dechets a demi brules. Emmi n'eut pas de peine
a en faire un tas et a y mettre le feu au moyen d'un caillou qu'il
battit du dos de son couteau, et il recueillit l'etincelle avec des
feuilles seches, tout en se promettant de faire provision d'amadou sur
les arbres decrepits, qui ne manquaient pas dans la foret. L'eau d'une
rigole lui permit de faire cuire ses chataignes dans son petit pot de
terre, a couvercle perce, destine a cet usage. C'est un meuble dont en
ce pays-la tout patour est nanti.
Emmi, qui ne rentrait souvent que le soir a la ferme, a cause de la
grande distance ou il devait mener ses betes, etait donc habitue a se
nourrir lui-meme, et il ne fut pas embarrasse de cueillir son dessert
de framboises et de mures sauvages sur les buissons de la petite
clairiere.
--Voila, pensa-t-il, ma cuisine et ma salle a manger trouvees.
Et il se mit a nettoyer le cours du filet d'eau qu'il avait a sa
portee. Avec sa sarclette, il enleva les herbes pourries, creusa un
petit reservoir, debarrassa un petit saut que l'eau faisait dans la
glaise et l'epura avec du sable et des cailloux. Cet ouvrage l'occupa
jusque vers le coucher du soleil. Il ramassa son pot et sa houlette,
et, remontant sur les bra
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