perite de son empire.
"Notre defile jusqu'a mon palais dura plus de trois heures; le sol
etait jonche de verdure et de fleurs. De dix pas en dix pas, des
cassolettes placees sur mon passage repandaient de suaves parfums,
l'orchestre du roi jouait en meme temps que le mien, des troupes de
bayaderes admirables me precedaient en dansant. De chaque rue qui
s'ouvrait sur la rue principale debouchaient des corteges nouveaux
composes de tous les grands de la ville et du pays, qui m'apportaient
de nouveaux presents et me suivaient sur deux files. L'air charge de
parfums a la fumee bleue retentissait de fanfares qui eussent couvert
le bruit du tonnerre. C'etait le rugissement d'une tempete au milieu
d'un epanouissement de delices. Toutes les maisons etaient pavoisees
de riches tapis et d'etoffes merveilleuses. Beaucoup etaient reliees
par de legers arcs de triomphe, ouvrages en rotin improvises et
pavoises aussi avec une rare elegance. Du haut de ces portes a jour,
des mains invisibles faisaient pleuvoir sur moi une neige odorante de
fleurs de jasmin et d'oranger.
"On s'arreta sur une grande place palissadee en arene pour me faire
assister aux jeux et aux danses. Je pris plaisir a tout ce qui etait
agreable et fastueux; mais j'eus horreur des combats d'animaux, et,
en voyant deux elephants, rendus furieux par une nourriture et un
entrainement particuliers, tordre avec rage leurs trompes enlacees et
se dechirer avec leurs defenses, je quittai la place d'honneur
que j'occupais et m'elancai au milieu de l'arene pour separer les
combattants. Aor n'avait pas eu le temps de me retenir, et des cris
de desespoir s'eleverent de toutes parts. On craignait que les
adversaires ne fondissent sur moi; mais a peine me virent-il
pres d'eux, que leur rage tomba comme par enchantement et qu'ils
s'enfuirent eperdus et humilies. Aor, qui m'avait lestement rejoint,
declara que je ne pouvais supporter la vue du sang et que d'ailleurs,
apres un voyage de plus de cinq cents lieues, j'avais absolument
besoin de repos. Le peuple fut tres emu de ma conduite, et les sages
du pays se prononcerent pour moi, affirmant que le Bouddha condamnait
les jeux sanglants et les combats d'animaux. J'avais donc exprime
sa volonte, et on renonca pour plusieurs annees a ces cruels
divertissements.
"On me conduisit a mon palais, situe au dela de la ville, dans un
ravin delicieux au bord du fleuve. Ce palais etait aussi grand et
aussi riche que celui du roi. Outre le
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