it. Enfin une
voix cassee cria d'entrer, et ils pousserent la porte. La Catiche,
pale, maigre, effrayante, etait assise sur une grande chaise aupres
du feu, ses mains dessechees collees sur les genoux. En reconnaissant
Emmi, elle eut une expression de joie.
--Enfin, dit-elle, te voila, et je peux mourir tranquille!
Elle leur expliqua qu'elle etait paralytique et que ses voisines
venaient la lever le matin, la coucher le soir et la faire manger a
ses heures.
--Je ne manque de rien, ajouta-t-elle, mais j'ai un grand souci. C'est
mon pauvre argent qui est la, sous cette pierre ou je pose mes pieds.
Cet argent, je le destine a Emmi, qui est un bon coeur et qui m'a
sauvee de la prison au moment ou je voulais le vendre a de mauvaises
gens; mais, sitot que je serai morte, mes voisines fouilleront partout
et trouveront mon tresor: c'est cela qui m'empeche de dormir et de me
faire soigner convenablement. Il faut prendre cet argent, Emmi, et
l'emporter loin d'ici. Si je meurs, garde-le, je te le donne; ne te
l'avais-je pas promis? Si je reviens a la sante, tu me le rapporteras;
tu es honnete, je te connais. Il sera toujours a toi, mais j'aurai le
plaisir de le voir et de le compter jusqu'a ma derniere heure.
Emmi refusa d'abord. C'etait de l'argent vole qui lui repugnait; mais
le pere Vincent offrit a la Catiche de s'en charger pour le lui rendre
a sa premiere reclamation, ou pour le placer au nom d'Emmi, si elle
venait a mourir sans le reclamer. Le pere Vincent etait connu dans
tout le pays pour un homme juste qui avait honnetement amasse du bien,
et la Catiche, qui rodait partout et entendait tout, n'etait pas sans
savoir qu'on devait se fier a lui. Elle le pria de bien fermer les
huisseries de sa cabane, puis de reculer sa chaise, car elle ne
pouvait se mouvoir, et de soulever la pierre du foyer. Il y avait bien
plus qu'elle n'avait montre la premiere fois a Emmi. Il y avait cinq
bourses de peau et environ cinq mille francs en or. Elle ne voulut
garder que trois cents francs en argent pour payer les soins de ses
voisins et se faire enterrer.
Et, comme Emmi regardait ce tresor avec dedain:
--Tu sauras plus tard, lui dit la Catiche, que la misere est un
mechant mal. Si je n'etais pas nee dans ce mal, je n'aurais pas fait
ce que j'ai fait.
--Si vous vous en repentez, lui dit le pere Vincent, Dieu vous le
pardonnera.
--Je m'en repens, repondit-elle, depuis que je suis paralytique, parce
que je meurs dans l'ennui
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