e la
matiere organique qu'il revet a les siennes. On pretend que l'esprit
et le corps ont souvent des tendances opposees; je le nie, du moins
je pretends que ces tendances arrivent toujours, apres un combat
quelconque, a se mettre d'accord pour pousser l'animal qui est le
theatre de cette lutte a reculer ou a avancer dans l'echelle des
etres. Ce n'est pas l'un qui a vaincu l'autre. La vie animale n'est
pas si pernicieuse que l'on croit. La vie intellectuelle n'est pas
si independante que l'on dit. L'etre est un; chez lui, les besoins
repondent aux aspirations, et reciproquement. Il y a une loi plus
forte que ces deux lois, un troisieme terme qui concilie l'antithese
etablie dans la vie de l'individu; c'est la loi de la vie generale, et
cette loi divine, c'est la progression. Les pas en arriere confirment
la verite de la marche ascendante. Tout etre eprouve donc a son insu
le besoin d'une transformation honorable, et mon chien, mon cheval,
tous les animaux que l'homme a associes de pres a sa vie l'eprouvent
plus sciemment que les betes qui vivent en liberte. Voyez le chien!
cela est plus sensible chez lui que chez tous les autres animaux.
Il cherche sans cesse a s'identifier a moi; il aime ma cuisine, mon
fauteuil, mes amis, ma voiture. Il se coucherait dans mon lit, si je
le lui permettais; il entend ma voix, il la connait, il comprend ma
parole. En ce moment, il sait parfaitement que je parle de lui. Vous
pouvez observer le mouvement de ses oreilles.
--Il ne comprend que deux ou trois mots, lui dis-je; quand vous
prononcez le mot chien, il tressaille, c'est vrai, mais le
developpement de votre idee reste pour lui un mystere impenetrable.
--Pas tant que vous croyez! Il sait qu'il en est cause, il se souvient
d'avoir commis une faute, et a chaque instant il me demande du regard
si je compte le punir ou l'absoudre. Il a l'intelligence d'un enfant
qui ne parle pas encore.
--Il vous plait de supposer tout cela, parce que vous avez de
l'imagination.
--Ce n'est pas de l'imagination que j'ai, c'est de la memoire.
--Ah! voila! s'ecria-t-on autour de nous. Il pretend se souvenir!
Alors qu'il raconte ses existences anterieures, vite! nous ecoutons.
--Ce serait, repondit M. Lechien, une interminable histoire, et des
plus confuses, car je n'ai pas la pretention de me souvenir de
tout, du commencement du monde jusqu'a aujourd'hui. La mort a cela
d'excellent qu'elle brise le lien entre l'existence qui finit et celle
qui
|