ut, dans l'Inde, concourt a
idealiser l'elephant. Son culte est partout dans le passe, sous une
forme ou sous une autre. Les reproductions de son type ont une variete
d'intentions surprenante, car, selon la pensee de l'artiste, il
represente la force menacante ou la benigne douceur de la divinite
qu'il encadre. Je ne crois pas qu'il ait ete jamais, quoi qu'en aient
dit les anciens voyageurs, adore personnellement comme un dieu; mais
il a ete, il est encore regarde comme un symbole et un palladium.
L'elephant blanc des temples de Siam est toujours considere comme un
animal sacre.
--Parlez-nous de cet elephant blanc, s'ecrierent tous les enfants.
Est-il vraiment blanc? l'avez-vous vu?
--Je l'ai vu, et, en le contemplant au milieu des fetes triomphales
qu'il semblait presider, il m'est arrive une chose singuliere.
--Quoi? reprirent les enfants.
--Une chose que j'hesite a vous dire,--non pas que je craigne la
raillerie en un sujet si grave, mais en verite je crains de ne pas
vous convaincre de ma sincerite et d'etre accuse d'improviser un roman
pour rivaliser avec l'edifiante et serieuse histoire de M. Lechien.
--Dites toujours, dites toujours! Nous ne critiquerons pas, nous
ecouterons bien sagement.
--Eh bien, mes enfants, reprit l'Anglais, voici ce qui est arrive. En
contemplant la majeste de l'elephant sacre marchant d'un pas mesure au
son des instruments et marquant le rhythme avec sa trompe, tandis que
les Indiens, qui semblaient etre bien reellement les esclaves de ce
monarque, balancaient au-dessus de sa tete des parasols rouge et or,
j'ai fait un effort d'esprit pour saisir sa pensee dans son oeil
tranquille, et tout a coup il m'a semble qu'une serie d'existences
passees, insaisissables a la memoire de l'homme, venait de rentrer
dans la mienne.
--Comment! vous croyez...?
--Je crois que certains animaux nous semblent pensifs et absorbes
parce qu'ils se souviennent. Ou serait l'erreur de la Providence?
L'homme oublie, parce qu'il a trop a faire pour que le souvenir lui
soit bon. Il termine la serie des animaux contemplatifs, il pense
reellement et cesse de rever. A peine ne, il devient la proie de la
loi du progres, l'esclave de la loi du travail. Il faut qu'il rompe
avec les images du passe pour se porter tout entier vers la conception
de l'avenir. La loi qui lui a fait cette destinee ne serait pas juste,
si elle ne lui retirait pas la faculte de regarder en arriere et de
perdre son energie dans de
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