ramassait les glands les plus
sains et allait les semer sur la lande voisine ou il soignait leur
premiere enfance en empechant la bruyere et la cuscute de les
etouffer.
Il avait pris les lievres en amitie et n'en voulait plus detruire pour
sa nourriture. De son arbre, il les voyait danser sur le serpolet, se
coucher sur le flanc comme des chiens fatigues, et tout a coup, au
bruit d'une feuille seche qui se detache, bondir avec une grace
comique, et s'arreter court, comme pour reflechir apres avoir cede a
la peur. Si, en se promenant par les chaudes journees, il se sentait
le besoin de faire une sieste, il grimpait dans le premier arbre venu,
et, choisissant son gite, il entendait les ramiers le bercer de leurs
grasseyements monotones et caressants; mais il etait delicat pour son
coucher et ne dormait tout a fait bien que dans son chene.
Il fallut pourtant quitter cette chere foret quand la coupe fut
terminee et enlevee. Emmi suivit le pere Vincent, qui s'en allait a
cinq lieues de la, du cote d'Oursines, pour entreprendre une autre
coupe dans une autre propriete.
Depuis le jour de la foire, Emmi n'etait pas retourne dans ce vilain
endroit et n'avait pas apercu la Catiche. Etait-elle morte, etait-elle
en prison? Personne n'en savait rien. Beaucoup de mendiants
disparaissent comme cela sans qu'on puisse dire ce qu'ils sont
devenus. Personne ne les cherche ni ne les regrette.
Emmi etait tres-bon. Il n'avait pas oublie le temps de solitude
absolue ou, la croyant idiote et miserable, il l'avait vue chaque
semaine au pied de son chene lui apportant le pain dont il etait prive
et lui faisant entendre le son de la voix humaine. Il confia au
pere Vincent le desir qu'il avait d'avoir de ses nouvelles, et ils
s'arreterent a Oursines pour en demander. C'etait jour de fete dans
cette cour des miracles. On trinquait et on chantait en choquant les
pots. Deux femmes decoiffees, et les cheveux au vent se battaient
devant une porte, les enfants barbotaient dans une mare infecte. Sitot
que les deux voyageurs parurent, les enfants s'envolerent comme une
bande de canards sauvages. Leur fuite avertit de proche en proche les
habitants. Tout bruit cessa, et les portes se fermerent. La volaille
effarouchee se cacha dans les buissons.
--Puisque ces gens ne veulent pas qu'on voie leurs ebats, dit le pere
Vincent, et puisque tu connais le logis de la Catiche, allons-y tout
droit.
Ils y frapperent plusieurs fois sans qu'on leur repond
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