et de
boeufs que necessitera votre service; six ombrelles d'or, un corps de
musique, et tous les honneurs qui sont dus a l'elephant sacre, joie et
gloire des peuples."
"On me montra le sceau royal, et, comme je restais impassible et
indifferent, on dut demander a mon mahout si j'acceptais les offres
du souverain. Aor repondit qu'il fallait me promettre de ne jamais me
separer de lui, et le ministre, apres avoir consulte ses collegues,
jura ce que j'exigeais. Alors, je montrai une grande joie en caressant
la lettre royale, l'ombrelle d'or et un peu le visage du ministre, qui
se declara tres-heureux de m'avoir satisfait.
"Quoique tres-fatigue d'un long voyage, je temoignai que je voulais me
mettre en marche pour voir ma nouvelle residence et faire connaissance
avec mon collegue et mon egal, le roi de Birmanie. Ce fut une marche
triomphale tout le long du fleuve que nous remontions. Ce fleuve
Iraouaddy etait d'une beaute sans egale. Il coulait, tantot
nonchalant, tantot rapide, entre des rochers couverts d'une vegetation
toute nouvelle pour moi, car nous nous avancions vers le nord, et
l'air etait plus frais, sinon plus pur que celui de mon pays. Tout
etait different. Ce n'etait plus le silence et la majeste du desert.
C'etait un monde de luxe et de fetes; partout sur le fleuve des
barques a la poupe elevee en forme de croissant, garnies de banderoles
de soie lamee d'or, suivies de barques de pecheurs ornees de feuillage
et de fleurs. Sur le rivage, des populations riches sortaient de leurs
habitations elegantes pour venir s'agenouiller sur mon passage et
m'offrir des parfums. Des bandes de musiciens et de pretres accourus
de toutes les pagodes melaient leurs chants aux sons de l'orchestre
qui me precedait.
"Nous avancions a tres-petites journees dans la crainte de me
fatiguer, et deux ou trois fois par jour on s'arretait pour mon bain.
Le fleuve n'etait pas toujours gueable sur les rives. Aor me laissait
sonder avec ma trompe. Je ne voulais me risquer que sur le sable le
plus fin et dans l'eau la plus pure. Une fois sur de mon point de
depart, je m'elancais dans le courant, si rapide et si profond qu'il
put etre, portant toujours sur mon cou le confiant Aor, qui prenait
autant de plaisir que moi a cet exercice et qui, aux endroits
difficiles et dangereux, ranimait mon ardeur et ma force en jouant sur
sa flute un chant de notre pays, tandis que mon cortege et la foule
pressee sur les deux rives exprimaient leur anx
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