'accueil qu'il me fit, que c'etait la le maitre
de la maison, et que je devais me mettre a ses ordres. Des le premier
jour, j'emboitai le pas derriere lui d'un air si raisonnable et si
convaincu, qu'il me prit en amitie, me caressa et me fit coucher dans
son cabinet. Sa jeune femme n'aimait pas beaucoup les chiens et se
fut volontiers passee de moi; mais j'obtins grace devant elle par ma
sobriete, ma discretion et ma proprete. On pouvait me laisser seul en
compagnie des plats les plus allechants; il m'arriva bien rarement
d'y gouter du bout de la langue. Outre que je n'etais pas gourmand et
n'aimais pas les friandises, j'avais un grand respect de la propriete.
On m'avait dit, car on me parlait comme a une personne:
"--Voici ton assiette, ton ecuelle a eau, ton coussin et ton tapis.
"Je savais que ces choses etaient a moi, et il n'eut pas fait bon me
les disputer; mais jamais je ne songeai a empieter sur le bien des
autres.
"J'avais aussi une qualite qu'on appreciait beaucoup. Jamais je ne
mangeai de ces immondices dont presque tous les chiens sont friands,
et je ne me roulais jamais dessus. Si, pour avoir couche sur le
charbon ou m'etre roule sur la terre, j'avais noirci ou jauni ma robe
blanche, on pouvait etre sur que je ne m'etais souille a aucune chose
malpropre.
"Je montrai aussi une qualite dont on me tint compte. Je n'aboyai
jamais et ne mordis jamais personne. L'aboiement est une menace et
une injure. J'etais trop intelligent pour ne pas comprendre que les
personnes saluees et accueillies par mes maitres devaient etre recues
poliment par moi, et, quant aux demonstrations de tendresse et de joie
qui signalaient le retour d'un ancien ami, j'y etais fort attentif.
Des lors, je lui temoignais ma sympathie par des caresses. Je faisais
mieux encore, je guettais le reveil de ces hotes aimes, pour leur
faire les honneurs de la maison et du jardin. Je les promenais ainsi
avec courtoisie jusqu'a ce que mes maitres vinssent me remplacer. On
me sut toujours gre de cette notion d'hospitalite que personne n'eut
songe a m'enseigner et que je trouvai tout seul.
"Quand il y eut des enfants dans la maison, je fus veritablement
heureux. A la premiere naissance, on fut un peu inquiet de la
curiosite avec laquelle je flairais le bebe. J'etais encore impetueux
et brusque, on craignait que je ne fusse brutal ou jaloux. Alors, ma
vieille maitresse prit l'enfant sur ses genoux en disant:
"--Il faut faire la morale a Fadet;
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