foret et revint
sur ses pas, bien convaincu que, si la Catiche avait un _chez elle_,
il etait plus pauvre et plus laid que le trou de l'arbre parlant.
Il regagna son logis du grand chene et n'y arriva que vers le soir,
harasse de fatigue, mais content de se retrouver chez lui. Il avait
gagne a ce voyage de connaitre l'etendue de la foret et la proximite
d'un village; mais ce village paraissait bien plus mal partage que
celui de Cernas, ou Emmi avait ete eleve. C'etait tout pays de landes
sans trace de culture, et les rares bestiaux qu'il avait vus paitre
autour des maisons n'avaient que la peau sur les os. Au dela, il
n'avait apercu que les sombres horizons des forets. Ce n'est donc pas
de ce cote-la qu'il pouvait songer a trouver une condition meilleure
que la sienne.
Au bout de la semaine, la Catiche arriva a l'heure ordinaire. Elle
revenait de Cernas, et il lui demanda des nouvelles de sa tante pour
voir si cette vieille aurait le pouvoir et la volonte de lui repondre
comme la derniere fois. Elle repondit tres-nettement:
--La grand'Nanette est remariee, et, si tu retournes chez elle, elle
tachera de te faire mourir pour se debarrasser de toi.
--Parlez-vous raisonnablement? dit Emmi; et me dites-vous la verite?
--Je te dis la verite. Tu n'as plus qu'a te rendre a ton maitre pour
vivre avec les cochons, ou a chercher ton pain avec moi, ce qui te
vaudrait mieux que tu ne penses. Tu ne pourras pas toujours vivre
dans la foret. Elle est vendue, et sans doute on va abattre les vieux
arbres. Ton chene y passera comme les autres. Crois-moi, petit. On
ne peut vivre nulle part sans gagner de l'argent. Viens avec moi, tu
m'aideras a en gagner beaucoup, et, quand je mourrai, je te laisserai
celui que j'ai.
Emmi etait si etonne d'entendre causer et raisonner l'idiote, qu'il
regarda son arbre et preta l'oreille comme s'il lui demandait conseil.
--Laisse donc cette vieille buche tranquille, reprit la Catiche. Ne
sois pas si sot et viens avec moi.
Comme l'arbre ne disait mot, Emmi suivit la vieille, qui, chemin
faisant, lui revela son secret.
"--Je suis venue au monde loin d'ici, pauvre comme toi et orpheline.
J'ai ete elevee dans la misere et les coups. J'ai garde aussi les
cochons, et, comme toi, j'en avais peur. Comme toi, je me suis sauvee;
mais, en traversant une riviere sur un vieux pont decrepit, je suis
tombee a l'eau d'ou on m'a retiree comme morte. Un bon medecin chez
qui on m'a portee m'a fait revenir
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