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fleuve, j'avais dans mon jardin un vaste bassin d'eau courante pour mes ablutions de chaque instant. J'etais fatigue. Je me plongeai dans le bain et me retirai dans la salle qui devait me servir de chambre a coucher, ou je restai seul avec Aor, apres avoir temoigne que j'avais assez de musique et ne voulais d'autre societe que celle de mon ami. "Cette salle de repos etait une coupole imposante, soutenue par une double colonnade de marbre rose. Des etoffes du plus grand prix fermaient les issues et retombaient en gros plis sur le parquet de mosaique. Mon lit etait un amas odorant de bois de santal reduit en fine poussiere. Mon auge etait une vasque d'argent massif ou quatre personnes se fussent baignees a l'aise. Mon ratelier etait une etagere de laque doree couverte des fruits les plus succulents. Au milieu de la salle, un vase colossal en porcelaine du Japon laissait retomber en cascade un courant d'eau pure qui se perdait dans une corbeille de lotus. Sur le bord de la vasque de jade, des oiseaux d'or et d'argent emailles de mille couleurs chatoyantes semblaient se pencher pour boire. Des guirlandes de spathes, de pandanus odorant se balancaient au-dessus de ma tete. Un immense eventail, le _pendjab_ des palais de l'Inde, mis en mouvement par des mains invisibles, m'envoyait un air frais sans cesse renouvele du haut de la coupole. A mon reveil, on fit entrer divers animaux apprivoises, de petits singes, des ecureuils, des cigognes, des phenicopteres, des colombes, des cerfs et des biches de cette jolie espece qui n'a pas plus d'une coudee de haut. Je m'amusai un instant de cette societe enjouee; mais je preferais la fraicheur et la proprete immaculee de mon appartement a toutes ces visites, et je fis connaitre que la societe des hommes convenait mieux a la gravite de mon caractere. "Je vecus ainsi de longues annees dans la splendeur et les delices avec mon cher Aor; nous etions de toutes les ceremonies et de toutes les fetes, nous recevions la visite des ambassadeurs etrangers. Nul sujet n'approchait de moi que les pieds nus et le front dans la poussiere. J'etais comble de presents, et mon palais etait un des plus riches musees de l'Asie. Les pretres les plus savants venaient me voir et converser avec moi, car ils trouvaient ma vaste intelligence a la hauteur de leurs plus beaux preceptes, et pretendaient lire dans ma pensee a travers mon large front toujours empreint d'une serenite sublime. Aucun temple ne m'et
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