reveiller
et de donner l'alarme a ses camarades. J'avais ete ensuite delivrer,
dans les cavernes, cent cinquante prisonniers que ces voleurs avaient
enchaines pour les engraisser et les manger. Une autre fois, enfin,
j'avais battu a la course les meilleurs chevaux du pays; j'avais fait en
cinq heures vingt-cinq lieues sans m'arreter.
A mesure que ces nouvelles se repandaient, l'admiration augmentait; on
se pressait, on s'etouffait autour de moi; les gendarmes furent obliges
de faire ecarter la foule. Heureusement que les parents de Louis, de
Jacques et de tous mes autres maitres avaient emmene les enfants des
que la foule s'etait amassee autour de moi. J'eus beaucoup de peine a
m'echapper, meme avec le secours des gendarmes; on voulait me porter en
triomphe. Je fus oblige, pour me soustraire a cet honneur, de donner
par-ci par-la quelques coups de dents, et meme de decocher quelques
ruades; mais j'eus soin de ne blesser personne, c'etait seulement pour
faire peur et m'ouvrir un passage.
Une fois debarrasse de la foule, je cherchai Louis et Jacques; je ne les
apercus d'aucun cote. Je ne voulais pourtant pas que mes chers petits
maitres revinssent a pied jusque chez eux. Sans perdre mon temps a les
chercher, je courus a l'ecurie ou l'on mettait toujours nos chevaux
et nos harnais. J'y entrai, je ne les y trouvai plus; on etait parti.
Alors, courant a toutes jambes sur la grand'route qui menait au chateau,
je ne tardai pas a rattraper les voitures, dans lesquelles on avait
entasse les enfants sur les parents; ils etaient une quinzaine dans les
deux caleches.
--Cadichon! voila Cadichon! s'ecrierent tous les enfants quand ils
m'apercurent.
On fit arreter les voitures; Jacques et Louis demanderent a descendre
pour m'embrasser, me complimenter et revenir a pied; puis Jeanne et
Henriette, puis Pierre et Henri, puis enfin Elisabeth, Madeleine et
Camille.
--Voyez-vous, disaient Louis et Jacques, que nous connaissons mieux que
vous l'esprit de Cadichon; voyez comme il a ete intelligent! Comme il a
bien compris les tours de ce sot Mirliflore et son imbecile de maitre!
--C'est vrai, dit Pierre; mais je voudrais bien savoir pourquoi il
a voulu absolument mettre le bonnet d'ane au maitre. Est-ce qu'il a
compris que le maitre etait un sot, et qu'un bonnet d'ane est le signe
qui indique la sottise?
_Camille_:--Certainement, il l'a compris; il a bien assez d'esprit pour
cela.
_Elisabeth_:--Ah! ah! ah! Tu dis cela parce
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