partis au trot.
--Tiens! v'la votre bourri qui s'en va, dit Hutfer, l'aubergiste.
--C'est qu'il file joliment, dit Ferdinand.
Mon pretendu maitre se retourna, me regarda d'un air inquiet, m'appela:
"Mirliflore, Mirliflore!" et, me voyant continuer mon trot, je
l'entendis s'ecrier d'un ton piteux:
--Arretez-le, arretez-le, de grace! c'est mon pain, ma vie qu'il
m'emporte; courez, attrapez-le; je vous promets encore une
representation si vous me le ramenez.
--D'ou l'avez-vous donc, cet ane? dit un des hommes nomme Clouet; et
depuis quand l'avez-vous?
--Je l'ai ... depuis qu'il est a moi, repondit mon faux maitre avec un
peu d'embarras.
--J'entends bien, reprit Clouet; mais depuis quand est-il a vous?
L'homme ne repondit pas.
--C'est qu'il me semble bien le reconnaitre, dit Clouet; il ressemble a
Cadichon, l'ane du chateau de la Herpiniere; je serais bien trompe si ce
n'est pas la Cadichon.
Je m'etais arrete; j'entendis des murmures; je voyais l'embarras de mon
maitre, lorsque, au moment ou l'on s'y attendait le moins, il s'elanca
au travers de la foule et courut du cote oppose a celui que j'avais
pris, suivi de sa femme et de son garcon.
Quelques-uns voulurent courir apres lui, d'autres dirent que c'etait
bien inutile puisque je m'etais sauve, et que l'homme n'emportait que
l'argent qui etait a lui, et que je lui avais fait gagner honnetement.
--Et quant a Cadichon, ajouta-t-on, il ne sera pas embarrasse pour
retrouver son chemin, et il ne se laissera prendre que s'il le veut
bien.
La foule se dispersa, et chacun rentra chez soi; je repris ma course,
esperant arriver chez mes vrais maitres avant la nuit; mais il y avait
beaucoup de chemin a faire, j'etais fatigue, et je fus oblige de me
reposer a une lieue du chateau. La nuit etait venue, les ecuries
devaient etre fermees; je me decidai a coucher dans un petit bois de
sapins qui bordait un ruisseau.
J'etais a peine etabli sur mon lit de mousse, que j'entendis marcher
avec precaution et parler bas. Je regardai, mais je ne vis rien; la nuit
etait trop noire. J'ecoutai de toutes mes oreilles, et j'entendis la
conversation suivante:
XXIV
LES VOLEURS
--Il ne fait pas encore assez nuit, Finot; il serait plus sage de nous
blottir dans ce bois.
--Mais, Passe-Partout, dit Finot, il nous faut un peu de jour pour nous
reconnaitre; moi, d'abord, je n'ai pas etudie les portes d'entree.
--Tu n'as jamais rien etudie, toi, reprit Passe-Pa
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