_Finot_:--Fais a ton gout, ce n'est pas le mien.
_Passe-Partout_:--Pour lors donc, c'est convenu. Nous attendons la nuit,
nous arrivons pres du mur du potager, tu restes a un bout pour avertir
s'il vient quelqu'un; je grimpe a l'autre bout, je te passe une echelle
et tu me rejoins.
--C'est bien ca, dit Finot.
Il se retourne avec inquietude, ecoute et dit tout bas:
--J'ai entendu remuer la derriere. Est-ce qu'il y aurait quelqu'un?
--Qui veux-tu qui se cache dans les bois? repondit Passe-Partout. Tu as
toujours peur. Ce ne peut etre qu'un crapaud ou une couleuvre.
Ils ne dirent rien: je ne bougeai pas non plus, et je me demandai ce
que j'allais faire pour empecher les voleurs d'entrer et pour les
faire prendre. Je ne pouvais prevenir personne, je ne pouvais meme pas
defendre l'entree du potager. Pourtant, apres avoir bien reflechi, je
pris un parti qui pouvait empecher les voleurs d'agir et les faire
arreter. J'attendis qu'ils fussent partis pour m'en aller a mon tour.
Je ne voulais pas bouger jusqu'au moment ou ils ne pourraient plus
m'entendre.
La nuit etait noire; je savais qu'ils ne pouvaient marcher tres vite; je
pris un chemin plus court en sautant par-dessus des haies, et j'arrivai
longtemps avant eux au mur du potager. Je connaissais l'endroit degrade
dont avait parle Passe-Partout. Je me serrai pres de la, contre le mur:
on ne pouvait me voir.
J'attendis un quart d'heure; personne ne venait; enfin j'entendis
des pas sourds et un leger chuchotement; les pas approcherent avec
precaution; les uns se dirigeaient vers moi, c'etait Passe-Partout;
les autres s'eloignaient vers l'autre bout du mur, du cote de la porte
d'entree, c'etait Finot. Je ne voyais pas, mais j'entendais tout. Quand
Passe-Partout fut arrive a l'endroit ou quelques pierres tombees avaient
fait des trous assez grands pour y poser les pieds, il commenca a
grimper en tatonnant avec les pieds et avec les mains. Je ne bougeais
pas, je respirais a peine: j'entendais et je reconnaissais chacun de ses
mouvements. Quand il eut grimpe a la hauteur de ma tete, je m'elancai
contre le mur, je le saisis par la jambe, et je le tirai fortement;
avant qu'il eut le temps de se reconnaitre, il etait par terre, etourdi
par la chute, meurtri par les pierres; pour l'empecher de crier ou
d'appeler son camarade, je lui donnai sur la tete un grand coup de pied,
qui acheva de l'etourdir et le laissa sans connaissance; je restai
ensuite immobile, pres de l
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