u cri d'angoisse qu'avait pousse le malheureux Auguste en se sentant
tomber. Il se trouvait enveloppe dans le filet, qui genait ses
mouvements, et qui ne lui permettait pas de nager pour revenir sur l'eau
et pres du bord. Plus il se debattait, plus il resserrait le filet
autour de son corps. Je le voyais enfoncer petit a petit. Quelques
instants encore et il etait perdu. Pierre et Henri ne pouvaient lui
preter aucun secours, ne sachant nager ni l'un ni l'autre. Avant qu'ils
pussent amener du monde, Auguste devait perir infailliblement.
Je ne fus pas longtemps a prendre mon parti; me jetant resolument a
l'eau, je nageai vers lui, et je plongeai, car il etait deja a une
grande profondeur sous l'eau. Je saisis avec mes dents le filet qui
l'enveloppait; je nageai vers le bord en le tirant apres moi; je
regrimpai la pente, fort escarpee, tirant toujours Auguste, au risque de
lui occasionner quelques bosses en le trainant sur des pierres et des
racines, et je l'amenai jusque sur l'herbe, ou il resta sans mouvement.
Pierre et Henri, pales et tremblants, accoururent pres de lui, le
debarrasserent, non sans peine, du filet qui le serrait, et, voyant
accourir Camille et Madeleine, ils leur demanderent d'aller chercher du
secours.
Les petits, qui avaient vu de loin la chute d'Auguste, arrivaient aussi
en courant, et aiderent Pierre et Henri a essuyer son visage et ses
cheveux impregnes d'eau. Les domestiques de la maison ne tarderent pas
a venir. On emporta Auguste sans connaissance, et les enfants resterent
seuls avec moi.
--Excellent Cadichon! s'ecria Jacques, c'est pourtant toi qui as sauve
la vie a Auguste! Avez-vous vu tous avec quel courage il s'est jete a
l'eau?
_Louis_:--Oui, certainement! Et comme il a plonge pour rattraper
Auguste!
_Elisabeth_:--Et comme il l'a habilement tire sur l'herbe!
_Jacques_:--Pauvre Cadichon! tu es mouille!
_Henriette_:--Ne le touche pas, Jacques; il va mouiller tes habits; vois
comme l'eau lui coule de partout.
--Ah bah! qu'est-ce que ca fait que je sois un peu mouille? dit Jacques
passant ses bras autour de mon cou; je ne le serai jamais autant que
Cadichon.
_Louis_:--Au lieu de l'embrasser et de lui faire des compliments, tu
ferais mieux de l'emmener a l'ecurie, ou nous le bouchonnerons bien avec
de la paille et ou nous lui donnerons de l'avoine pour le rechauffer et
lui rendre des forces.
_Jacques_:--Ceci est tres vrai; tu as raison. Viens, mon Cadichon.
_Jeanne_:
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