S'il en laissait un peu seulement, je serais si
contente!"
J'aurais bien mange tout ce qui etait devant moi, mais la pauvre petite
me fit pitie; elle ne touchait a rien, malgre l'envie qu'elle en avait.
Je fis donc semblant d'en avoir assez, et je quittai mon auget, y
laissant la moitie de l'avoine; Jeanne fit un cri de joie, sauta sur ses
pieds, et, prenant l'avoine par poignees, la versa dans son tablier de
taffetas noir.
--Que tu es bon, que tu es gentil, mon gentil Cadichon! disait-elle. Je
n'ai jamais vu un meilleur ane que toi.... C'est bien gentil de ne pas
etre gourmand! Tout le monde t'aime parce que tu es tres bon.... Les
lapins seront bien contents! Je leur dirai que c'est toi qui leur donnes
de l'avoine.
Et Jeanne, qui avait fini de tout verser dans son tablier, partit en
courant. Je la vis arriver a la petite maisonnette des lapins, et je
l'entendis leur raconter combien j'etais bon, que je n'etais pas du tout
gourmand, qu'il fallait faire comme moi, et que, puisque j'avais laisse
l'avoine a des lapins, eux devaient en laisser pour les petits oiseaux.
--Je reviendrai tantot, leur dit-elle, et je verrai si vous avez ete
bons comme Cadichon.
Elle ferma ensuite leur porte, et courut rejoindre Henriette.
Je la suivis pour savoir des nouvelles d'Auguste; en approchant du
chateau, je vis avec plaisir qu'Auguste etait assis sur l'herbe avec
ses amis. Quand il me vit arriver, il se leva, vint a moi, et dit en me
caressant:
--Voila mon sauveur; sans lui, j'etais mort; j'ai perdu connaissance au
moment ou Cadichon, ayant saisi le filet, commencait a me tirer a terre;
mais je l'ai tres bien vu se jeter a l'eau et plonger pour me sauver.
Jamais je n'oublierai le service qu'il m'a rendu, et jamais je ne
reviendrai ici sans dire bonjour a Cadichon.
--Ce que vous dites la est tres bien, Auguste, dit la grand'mere. Quand
on a du coeur, on a de la reconnaissance envers un animal aussi bien que
pour un homme. Quant a moi je me souviendrai toujours des services que
nous a rendus Cadichon, et, quoi qu'il arrive, je suis decidee a ne
jamais m'en separer.
_Camille_:--Mais, grand'mere, il y a quelques mois, vous vouliez
l'envoyer au moulin. Il aurait ete tres malheureux au moulin.
_La grand'mere_:--Aussi, chere enfant, ne l'y ai-je pas envoye. J'en
avais eu la pensee un instant, il est vrai, apres le tour qu'il avait
joue a Auguste, et a cause d'une foule de petites mechancetes dont
toute la maison se plaig
|