nt pas respirer.
Et tous partirent d'un eclat de rire. Je les trouvais bien mechants;
j'etais en colere; je cherchai un moyen de me soustraire a la correction
qui me menacait. J'aurais voulu me jeter sur eux et les mordre tous,
mais je n'osai pas, de peur qu'ils n'allassent encore se plaindre a
ma maitresse, et je sentais vaguement que, fatiguee de mes tours,
ma maitresse pourrait bien me chasser de chez elle. Pendant que je
deliberais, la femme de chambre fit remarquer au cocher mes yeux
mechants.
Le cocher hocha la tete, se leva, entra dans la cuisine, en ressortit
comme pour aller a l'ecurie, et, en passant devant moi, me lanca au cou
un noeud coulant; je tirai en arriere pour le briser, et il tira en
avant pour me faire avancer; nous tirions chacun de notre cote, mais,
plus nous tirions, plus la corde m'etranglait; des le premier moment
j'avais vainement essaye de braire; je pouvais a peine respirer, et
je cedais forcement a la traction du cocher; il m'amena ainsi jusqu'a
l'ecurie, dont la porte fut obligeamment ouverte par les autres
domestiques. Une fois entre dans ma stalle, on me passa promptement
mon licou, on lacha la corde qui m'etranglait, et le cocher, ayant
soigneusement ferme la porte, se saisit d'un fouet de charretier, et
commenca a m'en frapper impitoyablement sans que personne prit
ma defense. J'eus beau braire, me demener, mes jeunes maitres ne
m'entendirent pas, et le mechant cocher put me faire expier a son aise
les mechancetes dont il m'accusait. Il me laissa enfin dans un etat de
douleur et d'abattement impossible a decrire. C'etait la premiere fois,
depuis mon entree dans cette maison, que j'avais ete humilie et battu.
Depuis j'ai reflechi, et j'ai reconnu que je m'etais attire cette
punition.
Le lendemain il etait deja tard quand on me fit sortir; j'eus bonne
envie de mordre le cocher au visage, mais je fus arrete, comme la
veille, par la crainte d'etre chasse. Je me dirigeai vers la maison; je
vis les enfants rassembles devant le perron et causant avec animation.
--Le voila, ce mechant Cadichon, dit Pierre en me regardant approcher.
Chassons-le, il pourrait bien nous mordre ou nous jouer quelque mauvais
tour, comme il a fait l'autre jour a ce malheureux Auguste.
_Camille_:--Qu'est-ce que le medecin a dit a papa tout a l'heure?
_Pierre_:--Il a dit qu'Auguste etait tres malade; il a la fievre, le
delire....
_Jacques_:--Qu'est-ce que le delire?
_Pierre_:--Le delire, c'est quand
|