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mes bonnes resolutions.
J'avais depuis quelque temps un camarade que je traitais fort mal.
C'etait un ane qu'on avait achete pour faire monter ceux de mes plus
jeunes maitres qui avaient peur de moi, depuis que j'avais manque noyer
Auguste; les grands seuls ne me craignaient pas; et meme, lorsqu'on
faisait une partie d'anes, le petit Jacques etait le seul qui me
demandat toujours, au lieu que jadis on se disputait pour m'avoir.
Je meprisais ce camarade; je passais toujours devant lui, je ruais et je
le mordais s'il cherchait a me depasser; le pauvre animal avait fini
par me ceder toujours la premiere place, et se soumettre a toutes mes
volontes. Le soir, quand l'heure fut venue de rentrer a l'ecurie, je me
trouvai pres de la porte presque en meme temps que mon camarade; il se
rangea avec empressement pour me laisser entrer le premier; mais, comme
il etait arrive quelques pas en avant de moi, je m'arretai a mon tour et
je lui fis signe de passer. Le pauvre ane m'obeit en tremblant, inquiet
de ma politesse, et craignant que je ne le fisse marcher le premier pour
lui jouer quelque tour, par exemple pour lui donner un coup de dent ou
un coup de pied. Il fut tres etonne de se trouver sain et sauf dans sa
stalle, et de me voir placer paisiblement dans la mienne.
Voyant son etonnement je lui dis:
--Mon frere, j'ai ete mechant pour vous, je ne le serai plus; j'ai ete
fier, je ne le serai jamais, je vous ai meprise, humilie, maltraite, je
ne recommencerai pas. Pardonnez-moi, frere, et a l'avenir voyez en moi
un camarade, un ami.
--Merci, frere, me repondit le pauvre ane tout joyeux; j'etais
malheureux, je serai heureux; j'etais triste, je serai gai; je me
trouvais seul, je me sentirai aime et protege. Merci encore une fois,
frere; aimez-moi, car je vous aime deja.
--A mon tour, frere, a vous dire merci, car j'ai ete mechant, et vous me
pardonnez; je reviens a de meilleurs sentiments, et vous me recevez; je
veux vous aimer et vous me donnez votre amitie. Oui, a mon tour, merci,
frere.
Et, tout en mangeant notre souper, nous continuames a causer. C'etait la
premiere fois, car jamais je n'avais daigne lui parler. Je le trouvai
bien meilleur, bien plus sage que je ne l'etais moi-meme, et je lui
demandai de me soutenir dans ma nouvelle voie; il me le promit avec
autant d'affection que de modestie.
Les chevaux, temoins de notre conversation et de ma douceur
inaccoutumee, se regardaient et me regardaient avec surpri
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