evant sur ses epaules, et je voulus placer le bonnet sur sa
tete. Il me repoussa avec violence, et il devint d'autant plus furieux,
que les rires meles d'applaudissements se firent entendre de tous cotes.
--Bravo! l'ane, criait-on; c'est lui qui est le vrai ane savant!
Enhardi par les applaudissements de la foule, je fis un nouvel effort
pour le coiffer du bonnet d'ane; a mesure qu'il reculait, j'avancais, et
nous finimes par une course ventre a terre, l'homme se sauvait a toutes
jambes, moi courant apres lui, ne pouvant parvenir a lui mettre le
bonnet, et ne voulant pourtant pas lui faire de mal. Enfin j'eus
l'adresse de sauter sur son dos en passant mes pieds de devant sur ses
epaules, et, m'appuyant de tout mon poids sur lui, il tomba; je profitai
de sa chute pour enfoncer le bonnet sur sa tete, et je l'enfoncai
jusqu'au menton. Je me retirai immediatement; l'homme se releva, mais
n'y voyant pas clair, et se sentant etourdi de sa chute, il se mit a
tourner, a sauter. Et moi, pour completer la farce, je me mis a l'imiter
d'une facon grotesque, a tourner, a sauter comme lui; j'interrompais
parfois cette burlesque imitation en allant lui braire dans l'oreille,
et puis je me mettais sur mes pieds de derriere, et je sautais comme
lui, tantot a cote, tantot en face.
Depeindre les rires, les bravos, les trepignements joyeux de toute
l'assemblee est impossible; jamais ane au monde n'eut un pareil succes,
un pareil triomphe. Le cercle fut envahi par des milliers de personnes
qui voulaient me toucher, me caresser, me voir de pres. Ceux qui me
connaissaient en etaient fiers; ils me nommaient a ceux qui ne me
connaissaient pas; ils racontaient une foule d'histoires vraies et
fausses dans lesquelles je jouais un role magnifique. Une fois,
disait-on, j'avais eteint un incendie en faisant marcher une pompe tout
seul; j'etais monte a un troisieme etage, j'avais ouvert la porte de ma
maitresse, je l'avais saisie endormie sur son lit, et, comme les flammes
avaient envahi tous les escaliers et fenetres, je m'etais elance du
troisieme etage, apres avoir eu soin de placer ma maitresse sur mon dos:
ni elle ni moi, nous ne nous etions blesses, parce que l'ange gardien de
ma maitresse nous avait soutenus en l'air pour nous faire descendre
a terre tout doucement. Une autre fois, j'avais tue a moi tout seul
cinquante brigands en les etranglant les uns apres les autres d'un seul
coup de dent, de maniere qu'aucun d'eux n'eut le temps de se
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