_Auguste_:--Sur l'herbe ou sur la terre, seulement pour m'apprendre a
bien jeter.
_Pierre_:--Mais ce n'est pas du tout la meme chose; je suis sur que tu
le lancerais tres mal sur l'eau.
_Auguste_:--Mal! tu crois cela? Tu vas voir si je le lance mal! Je cours
chercher l'epervier qui seche au soleil dans la cour.
_Pierre_:--Non, Auguste, je t'en prie. S'il arrivait quelque chose, papa
nous gronderait.
_Auguste_:--Et que veux-tu qu'il arrive? Puisque je te dis que chez nous
on peche toujours a l'epervier. Je pars; attendez-moi, je ne serai pas
longtemps.
Et Auguste partit en courant, laissant Pierre et Henri mecontents et
inquiets. Il ne tarda pas a revenir, trainant apres lui le filet.
--Voila, dit-il, en l'etalant par terre. A present, gare les poissons!
Il lanca l'epervier assez adroitement; il tira avec precaution et
lenteur.
--Tire donc plus vite! nous n'en finirons pas, dit Henri.
--Non, non, dit Auguste, il faut le ramener tout doucement pour ne pas
faire rompre le filet et pour ne laisser echapper aucun poisson.
Il continua a tirer, et, quand tout fut amene, le filet etait vide: pas
un poisson ne s'etait laisse prendre.
--Oh! dit-il, une premiere fois ne compte pas. Il ne faut pas se
decourager. Recommencons.
Il recommenca, mais il ne reussit pas mieux la seconde fois que la
premiere.
--Je sais ce que c'est, dit-il. Je suis trop pres du bord; il n'y a pas
assez d'eau. Je vais entrer dans le bateau; comme il est tres long, je
serai assez eloigne du bord pour pouvoir bien developper mon epervier.
--Non, Auguste, dit Pierre, ne va pas dans le bateau; avec ton epervier,
tu peux t'embarrasser dans les rames et les cordages, et tu ferais la
culbute dans l'eau.
--Mais tu es comme un bebe de deux ans, Pierre, repliqua Auguste; moi,
j'ai plus de courage que toi. Tu vas voir.
Et il s'elanca dans le bateau, qui alla de droite et de gauche. Auguste
eut peur quoiqu'il fit semblant de rire, et je vis qu'il allait faire
quelque maladresse. Il deploya et etendit mal son filet, gene comme
il l'etait par le mouvement du bateau; ses mains n'etaient pas tres
rassurees, il chancelait sur ses pieds. L'amour-propre l'emporta
toutefois, et il lanca l'epervier. Mais le mouvement fut arrete par la
crainte de tomber a l'eau; l'epervier s'accrocha a son epaule gauche,
et lui donna une secousse qui le fit tomber dans l'etang, la tete la
premiere. Pierre et Henri pousserent un cri de terreur qui repondit
a
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