nne creme! dit Jacques.
--J'en veux encore, dit Louis.
--Et moi aussi, et moi aussi, dirent Henriette et Jeanne.
Madeleine etait contente du succes de sa creme; il est juste de dire que
chacun avait reussi parfaitement, que le dejeuner fut mange en entier,
et qu'il n'en resta rien. Le pauvre Jacques eut pourtant un moment
d'humiliation. Il s'etait charge des fraises a la creme. Il avait sucre
sa creme et il avait verse dedans les fraises tout epluchees. C'etait
tres bien; malheureusement, il avait fini avant les autres. Voyant qu'il
avait du temps devant lui, il voulut perfectionner son plat, et il se
mit a ecraser les fraises dans la creme. Il ecrasa, ecrasa si longtemps
et si bien, que les fraises et la creme ne firent plus qu'une bouillie,
qui devait avoir tres bon gout, mais qui n'avait pas tres bonne mine.
Lorsque le tour de Jacques arriva, et qu'il voulut servir ses fraises:
--Que me donnes-tu la? s'ecria Camille. De la bouillie rouge? Qu'est-ce
que c'est? Avec quoi l'as-tu faite?
--Ce n'est pas de la bouillie rouge, dit Jacques un peu confus; ce sont
des fraises a la creme. C'est tres bon, je t'assure, Camille; goutes-en,
tu verras.
--Des fraises? dit Madeleine, ou sont les fraises? Je ne les vois pas.
C'est degoutant ce que tu nous donnes.
--Mais oui, c'est degoutant, s'ecrierent tous les autres.
--Je croyais que ce serait meilleur ecrase, dit le pauvre petit Jacques,
les yeux pleins de larmes. Mais, si vous voulez, j'irai vite cueillir
d'autres fraises et chercher de la creme a la ferme.
--Non, mon petit Jacques, dit Elisabeth, touchee de sa douleur; ta creme
doit etre tres bonne. Veux-tu m'en servir? Je la mangerai avec grand
plaisir.
Jacques embrassa Elisabeth; sa figure reprit un air joyeux, et il en
servit plein une assiette.
Les autres enfants, attendris comme Elisabeth par la bonte et la bonne
volonte de Jacques, lui en demanderent tous, et tous, apres avoir goute,
declarerent que c'etait excellent. Le petit Jacques, qui avait examine
avec inquietude leurs visages pendant qu'ils goutaient a sa creme,
redevint radieux quand il vit le succes de son invention.
Le dejeuner fini, ils se mirent a laver la vaisselle dans un grand
baquet qui avait ete oublie la veille et que la gouttiere avait rempli
dans la nuit.
Ce ne fut pas le moins amusant de l'affaire, et la vaisselle n'etait
pas encore finie quand l'heure de l'etude sonna, et que les parents
rappelerent leurs enfants pour se
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