ieurs et ces dames comme un ane bien eleve."
J'etais orgueilleux, ce discours me mit en colere; je resolus de me
venger avant la fin de la seance.
Mirliflore avanca de trois pas, et salua de la tete d'un air dolent.
-Va Mirliflore, va porter ce bouquet a la plus jolie dame de la societe.
Je ris en voyant toutes les mains se tendre a moitie, et s'appreter
a recevoir le bouquet. Mirliflore fit le tour du cercle, et s'arreta
devant une grosse et laide femme, que j'ai su depuis etre la femme du
maitre. Mirliflore y deposa ses fleurs.
Ce manque de gout m'indigna; je sautai dans le cercle par-dessus la
corde, a la grande surprise de l'assemblee; je saluai gracieusement
devant, derriere, a droite, a gauche, je marchai d'un pas resolu vers la
grosse femme, je lui arrachai le bouquet, et j'allai le deposer sur les
genoux de Camille; je retournai a ma place aux applaudissements de toute
l'assemblee. Chacun se demandait ce que signifiait cette apparition;
quelques personnes crurent que c'etaient arrange d'avance, et qu'il
y avait deux anes savants au lieu d'un; d'autres qui me voyaient en
compagnie de mes petits maitres, et qui me connaissaient, etaient ravis
de mon intelligence.
Le maitre de Mirliflore semblait fort contrarie, Mirliflore paraissait
indifferent a mon triomphe; je commencai a croire qu'il etait reellement
bete, ce qui est assez rare parmi nous autres anes. Quand le silence fut
retabli, le maitre appela de nouveau Mirliflore.
"Venez, Mirliflore, faites voir a ces messieurs et dames qu'apres avoir
su distinguer la beaute, vous savez aussi reconnaitre la sottise; prenez
ce bonnet, et posez-le sur la tete du plus sot de l'assemblee."
Et il lui presenta un magnifique bonnet d'ane garni de sonnettes et de
rubans de toutes couleurs. Mirliflore le prit entre ses dents, et se
dirigea vers un gros garcon rouge, qui baissait d'avance la tete pour
recevoir le bonnet. Il etait facile de reconnaitre, a sa ressemblance
avec la grosse femme si faussement proclamee la plus belle de la
societe, que ce gros garcon etait le fils et le compere du maitre.
"Voici, pensai-je, le moment de me venger des paroles insultantes de cet
imbecile."
Et, avant qu'on eut songe a me retenir, je m'elancai encore dans
l'arene, je courus a mon confrere, je lui arrachai le bonnet d'ane au
moment ou il le posait sur la tete du gros garcon, et, avant que le
maitre eut eu le temps de se reconnaitre, je courus a lui, je mis mes
pieds de d
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